TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 22 octobre 2012

Taxe d'habitation : l'exemple parfait de l'absurdité du système fiscal français

L'assiette sur laquelle est calculée cet impôt, qui touche 33 millions de logements, repose sur des estimations datant... de plus de 30 ans !
Les avis d'imposition pour la taxe d'habitation viennent de parvenir à chacun d'entre nous il y a quelques jours, pour un impôt payable, sauf exceptions, au 15 novembre. Depuis 2005, la « contribution à l'audiovisuel public » (communément appelée « redevance télé ») est réclamée conjointement, ce qui, pour l'année 2012, alourdit encore la note de 125 euros par foyer fiscal. Elle est due par l'occupant de chaque logement au 1er janvier, à la différence de la taxe foncière dure par le seul propriétaire, occupant ou non, et même si le logement était vide à cette date.
La taxe d'habitation est l'un des quatre impôts locaux (les « quatre vieilles »), perçus  par les Communes et leurs regroupements, qui en fixent librement le taux applicable sur leur territoire, ce qui entraîne depuis quelques années de fréquents dérapages, dont la presse, locale ou nationale, se fait régulièrement largement l'écho. Cet impôt augmente fortement plus que le coût de la vie en général, sauf naturellement et comme par « miracle », l'année juste avant les élections municipales mais reprend de plus belle dès le scrutin passé !
Les impôts locaux sont devenus au fur et à mesure particulièrement absurdes ce qui nécessite une réforme, pour mettre fin à des des injustices qui vont s'amplifiant au fil du temps. La réforme est intervenue en 2010 pour la « taxe professionnelle », on l'attend encore pour les trois autres impôts locaux et notamment la taxe d'habitation. Elle a même été appelée par le Conseil des prélèvements obligatoires, une émanation de la Cour des Comptes, dans son rapport de mars 2010. Sans résultat pour l'instant.
Son montant résulte d'un taux, voté chaque année, qui s'applique à une « valeur locative cadastrale » (VLC) qui, elle, n'a pas été revue depuis la fin des années soixante ! Cette VLC a été déterminée en fonction de différents facteurs, énumérés sous forme de tableau par l'article 324 H de l'annexe 3 du Code général des impôts. Il s'agit de classer chaque appartement, chaque immeuble en fonction de son standing et son confort tel qu'existant en 1970, selon les rubriques du tableau de cet article.
Il y a bien eu une revalorisation en 1980 mais elle a été générale, et la valeur locative est certes révisée par le parlement chaque année, mais il s'agit d'une adaptation globale. Or, depuis 1970, les conditions de confort des logements ont été souvent considérablement modifiées : les centres-villes, autrefois particulièrement vétustes, ont été rénovés sans que la valeur locative cadastrale suive, malgré une tentative par une loi de juillet 1990, restée lettre morte. Par exemple nombre d'appartements d'immeubles anciens n'étaient pas encore dotés de toilettes intérieures en 1970, et le sont aujourd'hui pour la plupart. Inversement, les immeubles HLM, quasi neufs en 1970 et dotés à leur début de tout le confort moderne, se sont fortement dégradés parfois, mais leur statut au regard des impôts fonciers n'a pas évolué non plus depuis 40 ans.
De plus, la valeur locative cadastrale est calculée, par référence aux seules caractéristiques de l'immeuble, pris en tant que tel bien qu'un centre-ville, des quartiers excentrés, la banlieue, la campagne, ne soient pourtant pas des conditions similaires de logement.
De même, les boutiques de produits de première nécessité ont quitté les centres-villes, remplacés par des entreprises de services, le plus souvent affiliées à un réseau national de franchises. Et sont arrivés à l'inverse les centres commerciaux, super et hyper marchés, grandes surfaces spécialisées rarement implantés en centre ville, le plus souvent en périphérie ou en banlieue.
En toute justice fiscale, ces éléments et leur évolution devraient être pris en considération, quitte aussi à dissocier la valeur locative d'habitation de celle de la propriété foncière puisque pour l'instant c'est la même pour les deux impôts. Dévaloriser fiscalement des immeubles vétustes, c'est accorder un avantage fiscal à l'absence d'entretien par le propriétaire. Est-ce vraiment ce que veut le gouvernement, qui affiche sa volonté de lutter contre les logements indignes ?
En réalité, il y a fort à parier que le gouvernement actuel tarde à mettre en œuvre cette réforme nécessaire, parce que les ajustements qui en résulteront seront contestés par ceux qui seront frappés plus lourdement, et ceux qui bénéficieront de la réforme ne lui en sauront pas nécessairement gré tant en France, il est normal de payer le moins d'impôts possible. A moins bien sur qu'il s'arrange pour que cette réforme favorise globalement « son » électorat habituel au détriment de ceux qui ne votent pas ordinairement pour lui. Electoralisme et intérêt général font rarement bon ménage, surtout en matière de fiscalité.

Géométrie variable : pourquoi la France donne-t-elle des leçons de démocratie à l'Afrique noire et pas au Qatar ?

En déplacement à Kinshasa (République démocratique du Congo) pour le sommet de la francophonie le 13 octobre dernier, François Hollande a critiqué très ouvertement la situation des droits de l'Homme en RDC, parlant de "réalités inacceptables".

En déplacement à Kinshasa le 13 octobre dernier, François Hollande a jugé que la situation des droits de l'Homme en République démocratique du Congo (RDC) revêtait des "réalités inacceptables". Il a aussi dénoncé des "processus démocratiques incomplets". La France se permet-elle de donner des leçons de manière sélective selon les zones géographiques du globe ? Quelles sont les pays ou les régions dans lesquels la France se permet de donner ce genre de leçons ?

Sylvain Touati : Je ne pense pas que le ministère des Affaires étrangères ou l’Elysée - qui sont les deux organes qui portent officiellement la voix de la France à l’international - soient aussi sélectifs : des communiqués concernant tous les pays du globe sont publiés de façon claire et nette sur le site du ministère des Affaires étrangères. En tant que membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France doit donner son avis. Et elle le fait en ce qui concerne toutes les crises qui traversent le monde.
Toutefois, dans certaines régions du monde, la France, du fait de son influence, de son passé ou des relations entretenues avec le pays peut se permettre d’utiliser des moyens de pression et d’être davantage écoutée.
La première de ces régions est l’Europe, en particulier l’Europe de l’est et l’Europe centrale. Du fait de son intégration européenne, la France a beaucoup d'influence dans ces régions, notamment en ce qui concerne les problèmes de démocratie en Biélorussie, en Moldavie, ou plus récemment en Roumanie et en Hongrie. Cela n’a pas été très repris dans les médias français, mais la pression que la France a exercée au niveau de l’UE sur ces deux derniers conflits a été importante.
Viennent ensuite les anciennes colonies, en particulier en Afrique subsaharienne. Du fait de ses relations anciennes, mais aussi de l’aide au développement et des relations économiques et militaires, la France peut faire pression sur ces pays. Elle se permet de donner des leçons, et peut mettre ses paroles en action.

La France a-t-elle gardé de vieux réflexes de son passé colonial ? Les anciennes colonies ont-elles de leur côté conservé des habitudes de subordination à l’égard de la France ?

Un certain "réflexe politique" demeure : les élites des anciennes colonies (principalement formées à Paris) ont gardé pour habitude d’observer de près la position française sur différentes questions. Dans certains pays d’Afrique francophone, les lobbies d’opposition et les partis au pouvoir font jouer les réseaux qu’ils ont en France pour mobiliser l’attention et les réactions de l’exécutif français. Il existe des pays où la France est particulièrement présente du fait de son engagement militaire. C'est le cas par exemple de la Côte d'Ivoire mais aussi du Niger qui compte de nombreuses mines d’uranium (un élément essentiel de la filière nucléaire).
Mais ce type de relation est bilatéral. La France semble donner des leçons, mais les pays africains ont aussi une part de responsabilité : ils demandent à la France de prendre position. Récemment, la France a été apostrophée plusieurs fois : lors de la réélection d’Ali Bongo au Gabon, ou encore lors de la crise en Côte d’Ivoire. De la même façon, les déclarations de François Hollande à Kinshasa dénonçant la situation des droits de l’Homme en République démocratique du Congo font suite aux demandes des ONG et de la société civile congolaise. François Hollande n’a donc pas agi uniquement pour satisfaire l’opinion publique française. Il existe en général une sollicitation de la part des régimes au pouvoir ou des partis d’opposition. Et bien souvent, quelle que soit la position de la France, elle se retrouve critiquée.
On peut légitimement se demander si ces pays doivent se retourner systématiquement vers Paris pour gérer leurs propres affaires. Mais la situation est en perpétuelle évolution. Les Américains et les Japonais ont des bases militaires à Djibouti. Au niveau économique, on constate l’arrivée d’acteurs intéressés par la croissance des pays africains, comme la Chine, l’Inde, la Malaisie, le Brésil et l’Allemagne.
De plus, même dans les pays où la France avait une position hégémonique, la situation a évolué. D’ailleurs, les positions de Paris sont parfois moins écoutées. Le poids de la France s’est amenuisé et cette tendance va s’accentuer au fur et à mesure que ces pays se développent et nouent de nouveaux partenariats. Cette prise de distance est d'ailleurs souhaitée par la France, comme le prouvent les communiqués qui appellent à une "normalisation" de ses relations avec l’Afrique.
En déplacement à Kinshasa le 13 octobre dernier, François Hollande a jugé que la situation des droits de l'Homme en République démocratique du Congo (RDC) revêtait des "réalités inacceptables". Il a aussi dénoncé des "processus démocratiques incomplets". La France se permet-elle de donner des leçons de manière sélective selon les zones géographiques du globe ? Quelles sont les pays ou les régions dans lesquels la France se permet de donner ce genre de leçons ?
Sylvain Touati : Je ne pense pas que le ministère des Affaires étrangères ou l’Elysée - qui sont les deux organes qui portent officiellement la voix de la France à l’international - soient aussi sélectifs : des communiqués concernant tous les pays du globe sont publiés de façon claire et nette sur le site du ministère des Affaires étrangères. En tant que membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France doit donner son avis. Et elle le fait en ce qui concerne toutes les crises qui traversent le monde.
Toutefois, dans certaines régions du monde, la France, du fait de son influence, de son passé ou des relations entretenues avec le pays peut se permettre d’utiliser des moyens de pression et d’être davantage écoutée.
La première de ces régions est l’Europe, en particulier l’Europe de l’est et l’Europe centrale. Du fait de son intégration européenne, la France a beaucoup d'influence dans ces régions, notamment en ce qui concerne les problèmes de démocratie en Biélorussie, en Moldavie, ou plus récemment en Roumanie et en Hongrie. Cela n’a pas été très repris dans les médias français, mais la pression que la France a exercée au niveau de l’UE sur ces deux derniers conflits a été importante.
Viennent ensuite les anciennes colonies, en particulier en Afrique subsaharienne. Du fait de ses relations anciennes, mais aussi de l’aide au développement et des relations économiques et militaires, la France peut faire pression sur ces pays. Elle se permet de donner des leçons, et peut mettre ses paroles en action.

Pourquoi la France ne condamne-t-elle pas la situation des droits de l'Homme dans certains pays du Golfe ? Quels rapports la France entretient-elle avec eux ?   

 Il est vrai que la relation de la France avec ces pays est différente historiquement, diplomatiquement et militairement. La France n’a pas colonisé les pays du Golfe : le cadre est plus neutre. Il n’y a pas de centaines de milliers de ressortissants des pays du Golfe en France, ce qui est le cas pour les pays d'Afrique du nord ou d’Afrique subsaharienne. La France a des intérêts dans les pays du Golfe, mais elle est un acteur parmi d’autres. On parle beaucoup des intérêts pétroliers. Certes, Total est présent, mais au même titre que toutes les entreprises américaines, britanniques etc.
Les partenariats sont très diversifiés, donc la France n’a pas les mêmes moyens de pression qu’ailleurs. Le secteur pétrolier étant très sensible, la France veut s’assurer un accès à ce marché, donc elle évite de se mettre les régimes au pouvoir à dos.
De plus, la région est sous contrôle américain. Les régimes en place sont soutenus par les Etats-Unis. La France, par sa fameuse politique arabe, avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy, a toujours essayé de se faire bien voir pour maintenir son accès au champ pétrolier. En particulier depuis les politiques d’investissement pour le développement du secteur de la construction, au Qatar, à Bahreïn et en Arabie Saoudite : la France essaie de positionner ses entreprises pour retenir les marchés.
Nous avons ouvert récemment une petite base militaire à Abu Dhabi, alors que les américaines ont des dizaines de milliers de soldats déployés dans la région. Les Britanniques ont aussi des bases militaires dans la région. La France est un acteur parmi d’autres au Moyen-Orient, un acteur moyen, et non pas un grand acteur comme c'est le cas en Afrique subsaharienne.
Le Bahreïn, le Qatar et les Emirats étaient sous protectorat britannique jusque dans les années 1970, l’opinion de la Grande-Bretagne y reste donc très importante. Toutefois, l’opinion de la France reste également suivie car elle est membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle a des intérêts dans la région et elle a mené une politique arabe unique qui lui a permis de se distinguer des autres partenaires depuis les années 1950. Pendant très longtemps, la France a eu une position unique au Moyen-Orient.

Quand les Inrocks' voient des ennemis de la démocratie partout mais oublient de balayer devant leur porte...

Cité dans les Inrockuptibles pour avoir écrit sur Atlantico, Jean-Paul Gourévitch s'estime diffamé par l'hebdomadaire qui l'a qualifié de "spécialiste autoproclamé des migrations adoré par l'extrême-droite". Le chercheur a adressé un droit de réponse à la rédaction, sans réponse pour l'instant. Déontologie et débat démocratique en panne ? 
Voici la demande de droit de réponse que j'ai adressée à la direction et à la rédaction du journal Les Inrockuptibles (Bernard Zekri, Audrey Pulvar, Arnaud Aubron, Jean-Marc Lalanne) le 17 octobre avec copie au journaliste. Malgré un rappel de ma part le 19 octobre, il n'y a eu jusqu'ici strictement aucune réaction de la part des intéressés. Déontologie et débat démocratique en panne ?


"J'ai été mis en cause et diffamé à titre personnel dans votre numéro du 17/10/2012 par votre collaborateur David Doucet page 134. Vous trouverez ci-dessous ma réponse et le texte du droit de réponse que je vous demande de reproduire dans la prochaine édition du magazine et sur votre site.

Dans l'article intitulé "Idées brunes à la une" et qui veut démontrer que des extrémistes de droite trouvent des tribunes sur des sites grand public, votre collaborateur écrit en effet :

"C'est ainsi par exemple que Jean-Paul Gourévitch 'spécialiste autoproclamé des migrations', adoré par l'extrême-droite pour avoir livré un rapport tout à fait farfelu sur le coût économique de l'immigration intervient sur Le Plus (site participatif du Nouvel Obs) ou bien encore sur le pure player conservateur Atlantico."

Votre collaborateur a bien entendu le droit de critiquer mes écrits mais ni de travestir mes fonctions ni d'attenter à ma réputation.

On ne peut pas dire que je suis un "spécialiste autoproclamé de l'immigration" dans la mesure où je travaille comme consultant international sur le sujet depuis 20 ans pour des organismes aussi différents que le ministère des Affaites Etrangères et Européennes, l'Union européenne, l'Unesco, le Conseil de l'Europe, des cabinets et des ONG. Je précise si besoin que mon rapport sur les migrations subsahariennes a été voté à l'unanimité en avril 2008 par le Conseil de l'Europe, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné. Je ne vois pas par ailleurs d'où viennent les guillemet utilisés. Cette expression avait été effectivement employée dans une émission de France Culture le 26 mai 2012 par le même David Doucet. Or Jean-Marc Four, directeur de l'émission, a fait passer à ma demande un droit de réponse dans l'émission suivante et l'a publiée sur le site de France Culture. Je m'étonne que votre journaliste n'en ait pas tenu compte et réédite cette opération, comme s'il s'agissait d'un règlement de comptes personnel.

Votre journaliste prétend que je suis adoré par l'extrême-droite pour mon rapport sur l'immigration. Premièrement je n'ai pas publié un rapport mais quatre différents (immigration, émigration, politique migratoire, immigration irrégulière) et le cinquième actualisé sortira le mois prochain. Je suis également l'auteur de L'Immigration ça coûte ou ça rapporte ? (Larousse 2009) dont l'éditeur n'est pas spécialement encarté auprès de l'extrême-droite. Monsieur David Doucet ne les a probablement pas lus car il découvrirait que la régularisation des travailleurs sans-papiers que je préconise n'est certainement pas un thème d'extrême-droite. Par ailleurs, même si Marine Le Pen a, il est vrai, cité deux de mes chiffres (en les sortant d'ailleurs de leur contexte) je ne suis pas adulé par l'extrême-droite mais largement critiqué par cette mouvance qui considère que je me suis "rangé sous la bannière de la pensée dominante" (Steve Briois). Plus généralement j'interviens, et je le revendique, pour des tas d'organismes de toutes appartenances et, entre autres, pour la Licra, SOS-Racisme, La Pastorale des Migrants, Les amis du Monde Diplomatique... dont personne ne peut dire qu'ils se situent à l'extrême-droite.

Quant à l'adjectif "farfelu" qu'il utilise concernant mon rapport, c'est au minimum un raccourci que mes confrères - qu'ils se situent à gauche avec des coûts inférieurs comme Xavier Chojnicki ou Lionel Ragot, ou à droite avec des coûts supérieurs comme Yves-Marie Laulan ou Gérard Pince - n'ont jamais eu l'arrogance d'utiliser quand ils analysent mes travaux. Nous nous situons dans le débat et non dans le mépris. 

Je considère donc que votre journaliste, pour la seconde fois, manifeste clairement une volonté de nuire.

Aussi, sans vouloir polémiquer, ni engager de procédure judiciaire, ni intervenir dans les débats actuels autour des Inrocks, je vous demande simplement d'insérer le rectificatif suivant :

"Jean-Paul Gourévitch, consultant depuis 20 ans sur les migrations auprès de nombreuses instances internationales, récuse les informations tendancieuses du journaliste David Doucet dans les Inrocks n° 881 du 17 au 23 octobre tendant à le présenter comme un extrémiste de droite et suggère à ceux qui souhaiteraient connaître ses positions sur l'immigration de se reporter directement à ses travaux."

Dans l'attente, je vous prie de croire à mes sentiments les meilleurs,

Jean-Paul Gourévitch"

Compétitivité : la gauche déflationniste en passe d'obtenir la peau du rapport Gallois... et de l'avenir de la France

Le gouvernement récuse déjà le terme, mais le rapport du commissaire à l'investissement, Louis Gallois, proposera bien "un choc de compétitivité sur deux ou trois ans de 30 milliards" d'euros, selon Le Figaro daté de samedi.
Depuis quelques semaines, Jean-Marc Ayrault a fait de la « compétitivité » le levier de sa politique de communication personnelle et un outil de promotion de l’action de son gouvernement ; et le rapport Gallois accompagne cette thématique en réfléchissant sur les pistes à considérer pour stimuler une reprise de la croissance qui s’appuierait sur des bases solides et non pas seulement sur des mesurettes aux effets éphémères. On devrait ainsi se réjouir de retrouver « l’esprit de la gauche » classique, celui de gouvernements engagés résolument dans une relance « keynésienne » de la croissance, s'appuyant sur le « développement » de l’économie par des investissements et non par une stimulation immédiate de la consommation. On avait vécu cela à l’époque des années 1945-1950, du « verbe mendésiste » et enfin des espérances portées par « le chevènementisme » sous la première présidence de Mitterrand - quand Jean-Pierre Chevènement était ministre de l’Industrie et de la Recherche au nom d’un activisme jacobin qui anticipait celui d’Arnaud Montebourg.
Rappelons que les plans de stabilisation de l’après-guerre (plan Mayer en 1948, gestion du ministre des Finances Petsche en 1948-1949, voire petit plan Pinay de 1952) n’avaient pas porté atteinte aux grands courants de l’investissement productif, nourris par le premier plan de développement et d’équipement. On coupait dans les budgets courants - on parlait alors de la « commission de la hache » -, en maintenant peu ou prou les budgets d’investissement, et Edgar Faure (responsable des Finances en 1954-1956 comme ministre ou président du Conseil) avait établi un ancêtre de notre « règle d’or », mais pragmatique : équilibre d’exploitation, emprunts pour financer l’investissement - et les gaullistes avaient repris grosso modo ce distinguo dans les années 1958-1974.
Cela nous conduit à soupeser de façon critique le panier de décisions en cours de maturation dans les cabinets et commissions de la gauche au pouvoir aujourd’hui… Le chirurgien esthétique qui gère notre budget s’est mis en tête de manier « la hache » avec une brutalité souriante ; et les annonces de coupe ou de gel se succèdent à rythme soutenu ! Or l’on peut percevoir, en cette fin d’octobre, une logique inquiétante : les dépenses courantes sont peu contenues ; mais des dépenses « durables », orientées vers les investissements et les infrastructures, paraissent menacées.
Tout d’abord, au grand dam de la gauche gérant la Région Ile-de-France, les programmes du Grand Paris sont dans le collimateur : tel qu’il se dessine, le plan 2013-2015 repousse plusieurs projets importants vers son successeur, les projets que droite et gauche considéraient sous Sarkozy comme « structurants » (des lignes de métro en banlieue, des gares, la liaison avec Roissy, etc.). On ne supprime rien, mais on freine, on reporte, on retarde. Or c’est la compétitivité globale de la région parisienne qui est en cause, à travers la mobilité de la main-d’œuvre, des touristes, des hommes d’affaires, et c’est l’efficacité de la plate-forme aérienne qui pourrait être rognée.
Ensuite, des doutes surgissent quant à l’allocation de ressources budgétaires étatiques en 2013 et en 2014 en faveur des investissements d’infrastructures : lignes à grande vitesse, travaux de remise à niveau des lignes ferroviaires normales (société RFF) ; réseaux électriques monopolistiques (sociétés RTE et ERDF) ; nombre de projets semblent devoir être eux aussi « étalés » dans le temps ; un plan de réexamen du plan de transports défini pendant le précédent quinquennat va aboutir inéluctablement à des coupures, à des reports et même à des annulations - comme le craignent nombre de présidents (de gauche) de Région.
Or la droite avait tout de même compris en 2002 que la compétitivité basique du pays pâtissait de la crise de ces réseaux ; et de gros programmes d’investissements avaient été lancés et sont en cours d’accomplissement - malgré les effets négatifs sur la circulation des trains ou les égoïsmes des défenseurs des paysages vierges. C’est la compétitivité des régions, le désenclavement, la stabilité énergétique - pour les usines -, etc., qui sont en cause. Par ailleurs, la droite n’avait pas géré de façon assez « interventionniste » le plan de lancement des premiers programmes de sites d’énergie éolienne ; mais l’on ne sent pas chez la gauche un volontarisme plus net…
Sur un tout autre registre, les discussions de « démocratie participative » conduites par le ministre Vincent Peillon n’auront abouti qu’à des banalités sur la semaine scolaire ou l’embauche de quelques milliers de professeurs. En revanche, à propos des fameux « décrocheurs », il nous semble qu’il aurait fallu concevoir un « grand » plan de construction de filières préprofessionnalisantes et de lycées professionnels adaptés à ces cohortes de jeunes confrontés aux défis de « l’employabilité » et de l’insertion socioprofessionnelle. Vincent Peillon se gargarise de philosophie morale, mais ne paraît pas avoir saisi l’enjeu du « sous-prolétariat » potentiel que constituent ces cohortes de jeunes fragiles ! A l’autre bout de l’échelle de formation, l’on manque de milliers de diplômés de bac+2 et d’ingénieurs : là encore, on aurait attendu que notre ministre de l’Université prenne à bras le corps un programme de construction de nouveaux IUT, sections de BTS et écoles de genre Arts et métiers ; et l’on est plutôt déçu à ce niveau des palabres qui préparent la nouvelle loi universitaire.
Enfin les mesures concernant la remontée en puissance du logement social paraissent timorées - en particulier à propos du prix du foncier. Rappelons que c’est sous le gouvernement de Lionel Jospin que l’on avait atteint un record minimum de construction de logements HLM (dans les 60/70.000) depuis les années 1960… ; et que ce sont les plans conçus par la droite (« plan Borloo », Anru, etc.) qui avaient véritablement stimulé la relance du logement social (dans les 100/120 000 par an en 2011 et 2012) ! La chute de recettes des droits de mutation immobilière, par ailleurs, entaille la marge de manœuvre de plusieurs grandes agglomérations (comme à Paris), dont l’endettement freine par ailleurs la mobilité investisseuse.
Bref, que ce soient pour les investissements en infrastructures de services publics, en infrastructures d’enseignement professionnel ou en infrastructures de logement, on devient perplexe : où est la tradition de la gauche dite « keynésienne » ? Les groupes de réflexion proches de la gauche voient leurs économistes se diviser, et les bonnes paroles de l’économiste Daniel Cohen, l’un des conducteurs de l’offensive des experts contre une droite sarkozyste jugée « néo-libérale » et contre la « financiarisation » de l’économie, paraissent aujourd’hui résonner quelque peu dans le vide…
Plus grave encore, par conséquent, au terme de nos réflexions, c’est d’abord la perplexité qui nous gagne : ne serait-on pas confronté à une gauche trop pénétrée de préoccupations budgétaires à court terme, qui se draperait dans des costumes déflationnistes ? « Keynes, reviens ! », devrait-on proclamer - si tant est que notre perception du keynésianisme implique ce volontarisme investisseur.
Ensuite, l’inquiétude nous gagne : dans la compétition de l’économie globalisée, à l’heure où les gestionnaires des fonds d’investissement - pas les « spéculatifs », mais ceux qui gèrent des fonds sur des perspectives « durables » - et des fameux « investissements directs à l’étranger » -  et, là, pour eux, c’est la France, « l’étranger » ! - mettent en concurrence France, Allemagne, Royaume-Uni et Europe centrale, c’est bien la compétitivité globale du pays qui doit être au centre des préoccupations. Est en cause la compétitivité de la place parisienne, de l’Ile-de-France et des régions ouvertes à la compétition (autour de quelques grandes métropoles et des fameux « pôles de compétitivité » conçus par les groupes d’experts mis sur pied par la droite) ! On est bien loin des seules préoccupations du budget 2013 et du suivant ! Il faut relancer une planification à moyen terme, cohérente, constante : on aimerait une « gauche éclairée », et non pas une « gauche comptable » !

Le canard coquin et la Constitution

Le propriétaire d'un magasin qui avait été condamné en février dernier pour avoir vendu des sex toys à proximité d'un établissement d'enseignement a choisi de faire appel.
Au milieu des graves sujets de société, il est des questions en apparence plus futiles, mais qui, finalement, mettent parfaitement en lumière les tensions actuelles entre le libéralisme le plus largement entendu et le retour à un certain ordre moral. On se souvient que, le 29 février 2012, deux associations catholiques ont obtenu du tribunal correctionnel de Paris la condamnation du responsable d'un magasin proche du Centre Pompidou. Son magasin était spécialisé dans la vente de sex toys, et la loi sur la protection de l'enfance, punit d'une peine de deux années d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait de vendre des objets pornographiques à moins de deux cents mètres d'un établissement d'enseignement.
En l'espèce, le propriétaire du magasin a été condamné, mais dispensé de peine. En revanche, sa condamnation l'a contraint à la fermeture, et il a donc choisi de faire appel, joignant à cette procédure une QPC portant sur la constitutionnalité des dispositions qui constituent le fondement de sa condamnation.
Pour le moment, la procédure ne fait que commencer, mais la QPC a déjà franchi la première étape, celle du juge du fond qui a transmis, le 17 octobre 2012, le dossier à la Cour de cassation. Celle-ci doit encore accepter la transmission au Conseil constitutionnel, pour que les moyens d'inconstitutionnalité soient examinés. Les requérants soulèveront probablement deux moyens essentiels, d'une part la clarté et l'intelligibilité de la loi, d'autre part l'atteinte qu'elle porte à la liberté d'entreprendre.

Clarté et intelligibilité de la loi

Devant les juges du fond, le débat porte sur la question de savoir si un sex toy constitue, ou non, un "objet pornographique" au sens de la loi. Devant le juge constitutionnel, le débat pourrait porter sur le défaut de clarté et d'intelligibilité de la loi, dès lors que cette notion d'"objet pornographique" n'est pas explicitée par le législateur. La Cour européenne, depuis sa décision Sunday Times du 26 avril 1979, exige qu'une loi qui pose des restrictions à l'exercice d'une liberté, en l'espèce la liberté d'entreprendre, soit précise et prévisible. Le Conseil constitutionnel adopte une position très proche, avec une décision du 16 décembre 1999 qui érige le "principe d'accessibilité et d'intelligibilité" en "objectif à valeur constitutionnelle". En matière de liberté d'entreprendre précisément, le Conseil a ainsi censuré sur ce fondement les dispositions trop imprécises d'une loi d'orientation sur l'outre mer (décision du 7 décembre 2000). Ce principe s'applique de manière particulièrement rigoureuse en matière pénale, dès lors qu'il a pour fonction de garantir le respect du principe de sûreté. En effet, la Cour de cassation n'hésite pas à annuler une condamnation au motif que "le texte d'incrimination est entaché d'équivoque et d'imprécision".
Il n'est évidemment pas certain que les requérants obtiennent gain de cause sur ce fondement. Le Conseil pourrait cependant s'interroger sur cette notion d'"objet pornographique" qui repose non pas sur des données objectives mais sur une appréciation très largement subjective. Il pourrait également être sensible au fait que ces objets sont désormais vendus dans des grandes surfaces, voire chez Sonia Rykiel. Enfin, il pourrait aussi s'interroger sur l'imprécision de la notion d'"établissement d'enseignement" contenue dans la loi. En effet, la vente de sex toys n'a sans doute pas un impact identique à proximité d'une école élémentaire ou d'un lycée.

Atteinte à la liberté d'entreprendre

Le propriétaire du magasin, dès lors qu'il était condamné par le juge pénal, s'est vu contraint à la fermeture, et les trois employés qui travaillaient avec lui ont été licenciés. Il invoquera donc nécessairement l'atteinte à la liberté d'entreprise entrainée par les dispositions de la loi sur la protection de l'enfance.
La liberté d'entreprendre peut être définie très simplement comme le droit d'exercer l'activité de son choix, et par conséquent de créer ou d'acquérir une entreprise. Le Conseil constitutionnel l'a mentionnée pour la première fois dans sa décision du 16 janvier 1982 sur les nationalisations : "La liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789, consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait être elle-même préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre". Peu à peu, le juge constitutionnel a d'ailleurs associé la liberté d'entreprendre au droit de propriété, par exemple lorsqu'il annule, dans une décision du 7 décembre 2000, des dispositions législatives permettant de soumettre à autorisation administrative le changement de destination d'un local commercial.
Comme dans bien d'autres domaines, le Conseil constitutionnel exerce donc un contrôle de proportionnalité, examinant très attentivement si les dispositions législatives contestées portent une atteinte excessive à la liberté d'entreprise. Dans l'examen de la loi sur la protection de l'enfance, celle-là même qui a conduit à la condamnation de notre vendeur de sex toys, le Conseil pourrait estimer que la liberté d'entreprendre subit une atteinte particulièrement grave. L'interdiction de vendre de tels objets à moins de deux cents mètres d'un établissement scolaire, quel qu'il soit,  public ou confessionnel, école maternelle ou lycée, conduit en effet à limiter considérablement la possibilité d'installation de ce type de commerce, alors même qu'il n'est pas formellement prohibé par le législateur.
Le problème de constitutionnalité existe bel et bien, et on ne peut qu'espérer que la Cour de cassation transmettra la QPC au Conseil constitutionnel. Peut-être trouvera-t-il quelque inspiration dans la jurisprudence du Conseil d’État ? Souvenons-nous que le juge administratif, saisi d'un recours contre une décision du préfet maritime, gouverneur de Toulon, interdisant aux "filles publiques" d'arpenter les trottoirs et de fréquenter les débits de boisson situés à proximité de la base maritime, a prononcé l'annulation. Il se fondait sur la liberté d'aller et de venir de ces dames, et sur la liberté du commerce et de l'industrie pour les tenants de ces débits de boisson. C'était le célèbre arrêt dame Dol et Laurent, le 28 février 1919.
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Surendettement public : ce que nous dit l’Histoire

Un petit regard sur les épisodes historiques de surendettement public peut nous offrir quelques leçons pour la France qui a vu cette année sa dette publique dépasser le cap des 90% du PIB.
Cette année, la dette publique de la France a franchi le cap des 90% du PIB. Si la crise européenne est inédite à de nombreux égards, c’est loin d’être la première fois que des économies avancées atteignent un tel niveau d’endettement. Aussi un petit regard sur les épisodes historiques de surendettement public peut-il nous offrir une perspective sur les conséquences du franchissement de ce cap.
Carmen Reinhart (Harvard), Vincent Reinhart (Morgan Stanley) et Kenneth Rogoff (Harvard) ont répertorié 26 occasions au cours desquelles des économies avancées avaient franchi le seuil des 90% et présentent les caractéristiques de ces épisodes dans le Journal of Economic Perspectives de cet été [1].
Trois grands enseignements sont à retenir de ce retour sur l’histoire des deux derniers siècles :

  • Lorsque la dette publique dépasse les 90% du PIB, la croissance économique est significativement affectée.
  • Ce ralentissement économique n’est pas empêché par le maintien de taux d’intérêts faibles, tels qu’en bénéficient actuellement des pays comme l’Allemagne ou la France.
  • Enfin, et surtout, lorsque la dette publique franchit le seuil des 90%, c’est en moyenne pour une durée proche du quart de siècle !

Les précédents historiques

La frise historique droite représente les épisodes de surendettement (>90% du PIB) des économies avancées depuis deux siècles. Si ni l’Allemagne, ni la Suisse, ni le Danemark ou ses voisins scandinaves n’y figurent, c’est qu’ils n’ont à ce jour jamais atteint ce niveau de dette. Au contraire, certains pays comme l’Italie ou la Grèce semblent être abonnés au surendettement depuis leur existence moderne. Cela laisse songeur quant aux effets pervers du secours que nous leur portons en nous imaginant naïvement que cela n’impactera pas la bonne tenue de leurs comptes publics dans le futur.
D’autres nations comme la France et le Royaume-Uni ont connu pendant de longues périodes de tels niveaux d’endettement, en grande partie de par leur engagement dans les affaires du monde. D’ailleurs, il semble qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la guerre perpétuelle entre les nations européennes les condamnait éternellement à l’endettement massif.
La première source du surendettement, c’est donc les guerres, les conflits napoléoniens et mondiaux représentant trois épisodes importants. L’« avantage », c’est que pour les pays n’étant pas soumis aux réparations de guerre (comme la France de 1870, ou l’Allemagne de 1918), les dépenses à l’origine de l’endettement disparaissent d’elles-mêmes. La durée de ces endettements est assez variable. Les pays du Benelux, très fortement touchés par la Grande Guerre se sont pourtant débarrassés de leur dettes en quelques années tandis que le Royaume-Uni a maintenu un endettement public supérieur à 90% du PIB de 1917 à 1964, soit pendant près d’un demi-siècle ! Les guerres de plus faible ampleur peuvent aussi créer de forts niveaux endettements : j’évoquais dans un autre article la dette d’indépendance des États-Unis.
L’autre source évidente de dette, ce sont les crises économiques : la dépression de 1873-1896, la crise des années 1930, la crise des subprimes. Elles se conjuguent d’ailleurs assez souvent avec les conflits armés. Je vous avais en revanche montré que la dette actuelle n’était pas une conséquence de la fin des Trente Glorieuses, mais en était en grande partie l’héritage.
Il y a enfin les endettements qui surgissent au milieu de la paix et de la prospérité. Dans le cas de l’Italie et de la Grèce contemporaines, la convergence de l’inflation en vue de l’intégration monétaire a pu y participer. La chute soudaine de l’inflation fait s’envoler les taux réels sur l’ancienne dette. Certains y verront le signe que l’inflation est la solution pour faire disparaître la dette… En vérité cela montre que l’inflation est une forme d’imposition pernicieuse, qui en disparaissant, plombe le budget des États.
La principale cause de la dette de paix et de prospérité est l’État-Providence. On peut dire qu’il s’agit de la dette la plus douloureuse, car ses causes ne disparaissent ni avec l’armistice ni avec le retour d’une conjoncture favorable.
Mais au-delà de l’origine des surendettements, ce qui frappe, c’est leur durée. Reinhart(s) et Rogoff calculent que la durée moyenne de ces épisodes de surendettement au-delà de 90% du PIB est de 23 ans. Cela signifie qu’au regard de l’histoire, 2035 paraît une date consensuelle pour un retour de la dette publique française en-deçà de 90% du PIB.

Effets sur la croissance et les taux d’intérêts de la dette publique

Ce quart de siècle de surendettement qui semble nous être promis a-t-il une importance ? Les données recueillies montrent que oui, et surtout que les désagréments ne dérivent pas seulement de la hausse des taux d’intérêts. Autrement dit, ce n’est pas parce que la France et l’Allemagne ont vu paradoxalement leurs taux d’intérêt chuter qu’elles n’ont pas lieu de s’inquiéter pour l’effet de la dette publique sur leur activité économique.
Le tableau qui suit indique, pour chaque pays, ses taux de croissance annuels moyens et ses taux d’intérêt moyen, en distinguant les années où la dette publique était inférieure à 90% du PIB et celles où elle les dépassait. On remarque que l’effet sur les taux d’intérêts est historiquement beaucoup moins clair que l’effet sur la croissance économique. Ainsi, en période de surendettement, les États-Unis empruntent généralement à des taux très inférieurs, mais leur croissance est pourtant extrêmement affectée.

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Si l’on tente d’organiser cette analyse par épisode, on constate que s’il n’est finalement pas si rare que les périodes de surendettement coïncident avec des taux d’intérêt réels plus faibles, elles s’accompagnent en revanche dans l’immense majorité des cas d’un ralentissement de la croissance économique. La matrice qui suit indique, pour chaque épisode de surendettement, si les taux d’intérêts et les taux de croissance se trouvaient en-dessous ou au-dessus de la moyenne historique du pays considéré.
Pour prendre pleinement conscience de la gravité du problème, essayons de mettre un chiffre par habitant pour le coût d’un ralentissement de la croissance économique lié au surendettement. Le tableau suivant représente la perte par habitant et par année, au terme d’une période de surendettement public, selon sa durée et la perte de croissance annuelle occasionnée. Je prends le cas du français moyen de 2011, et je prends l’hypothèse que sans dette publique nous aurions une croissance annuelle réelle de 2% par habitant. Si je lis donc la première case en haut à gauche, j’obtiens « si l’épisode de surendettement dure 15 ans et occasionne une croissance annuelle par habitant de 0,50%, alors le français moyen aura un revenu de 6 973€ inférieur à si la croissance avait été de 2% ». 6 973€, c’est plus du quart du PIB français par habitant…
Un tableau plus haut vous montrait que le surendettement pouvait facilement coûter un bon point de pourcentage à la croissance économique, et ce sur une période dépassant souvent les vingt années. Vous constaterez de cette analyse de sensibilité que cela à un coût final énorme sur le niveau de vie.

Les aspects inédits de l’épisode actuel

Par rapport aux antécédents historiques, la crise européennes de la dette publiques a au moins deux caractéristiques inédites : le déclin démographique et la pression fiscale qui s’exercent sur nous.
Commencez par réfléchir à ce petit problème : si l’État a un déficit égal à 5,2% du PIB (France 2011), quelle part du pouvoir d’achat des citoyens doit-il prélever pour résoudre ce déficit ? Une réponse spontanée pourrait-être 5,2%, mais cela néglige l’existence d’impôts préalables.
Dans un pays où les recettes de l’État représentent 50,7% du PIB, les citoyens ne disposent en moyenne, pour leur propre consommation, que de 49,3% du PIB. Aussi si on leur prélève 5,2% supplémentaire, c’est 5,2%/49,3%=10 ,5% de leur pouvoir d’achat dont on doit les priver. Soit le double.  Donc, à niveau de déficit égal, plus les impôts existants sont forts, plus la facture est douloureuse pour le pouvoir d’achat du contribuable. En 1912, l’État représentait environ 10% des dépenses de la nation, contre cinq fois plus aujourd’hui. Le poids de 5,2% de déficit dans les consommations privée a donc quasiment doublé !

Pour revenir sur la démographie, depuis le XVIIIème siècle, la population européenne a quintuplé. La dette publique est un processus de Ponzi, et il est évident qu’elle est moins douloureuse quand une personne emprunte mais que deux remboursent. Ainsi que le montrent les projections de l’ONU sur la population mondiale, la population active européenne va décroître dans les décennies futures. C’est la première fois que le poids de la dette par travailleur va croître non seulement sous l’effet de la dégradation des finances publiques mais aussi par déclin de la population active.

Qu'est-ce que le laissez-faire ?

Le laissez-faire ne consiste pas à laisser chacun faire n’importe quoi. À ce nihilisme capricieux, le libéralisme oppose une délimitation claire des droits de chacun, y compris les hommes de l’État.
Le terme laissez-faire a été popularisé par les économistes du XVIIIe siècle qui demandaient notamment la libre circulation des grains, par opposition au mercantilisme et au protectionnisme du roi. Vu l’ampleur du protectionnisme actuel, même ce combat-là est encore loin d’être gagné...
D’après un dialogue rapporté par Turgot, il proviendrait d’une réponse du marchand Legendre à Colbert (le Colbert de « colbertisme ») qui lui demandait « que peut-on faire pour vous aider ? ». Le marchand aurait répondu simplement « laissez-nous faire ».

Liberté et tolérance

Le laissez-faire est principalement une injonction aux hommes de l’État : laissez-nous faire, laissez-nous vivre, laissez-nous produire, laissez-nous créer, nous enrichir, nous aider les uns les autres, cessez de chercher à diriger nos vies et guider nos comportements par la force.
Lorsqu’il n’y a pas de nécessité absolue de légiférer et que la société n’est pas menacée d’être renversée, et à chaque fois, que la législation n’apporte qu’une amélioration hypothétique, elle doit alors s’abstenir, laisser faire, et garder le silence.
Benjamin Constant
Mais il s’adresse aussi aux simples citoyens : c’est un message de tolérance.
Un homme libre doit être capable de supporter que ses concitoyens agissent et vivent différemment que ce qu’il considère comme bon, et doit se retenir d’appeler la police au moindre comportement qui lui déplaît.
Ludwig von Mises, Liberalismus, publié en 1927.
Rappelons ici que bon nombre de « crimes sans victimes » sont punis sur dénonciation d’un tiers qui n’est pas une partie lésée, qui pratique la délation à propos d’une pratique qui ne le concerne en rien. C’est souvent le cas pour la délation concernant les « plantations clandestines de chanvre », les « tournois illégaux de poker » ou les rapports sexuels entre adultes consentants (homosexualité dans une grande partie du monde...).
De quel droit une personne prétend-elle se mêler des agissements strictement privés d’une ou plusieurs autres personnes ? Reconnaître autrui comme être humain implique pourtant de lui reconnaître les mêmes droits que chacun admet pour soi : toute personne qui parle, agit, décide comment s’habiller le matin, reconnaît ipso facto le droit de disposer de son corps pour elle-même. Et pourtant, elle le nie aux autres : en prétendant imposer des « uniformes scolaires », en punissant les « tenues indécentes », en restreignant le droit de parole et la liberté d’expression.

Humanisme et identité des droits

Le libéralisme est donc un humanisme : il reconnaît chaque être humain en tant qu’être humain, agent responsable de sa propre vie.  Tout le contraire du constructivisme, qu’il soit d’ordre économique ou social, qui nie l’humanité des gens dont il prétend orienter la vie, en construisant une société selon un Plan donné auquel tous sont censés se conformer, Plan qui détermine aussi bien la structure économique d’un pays que la religion ou la culture de ses habitants.
La véritable distinction n'est pas la distinction habituelle entre les socialistes et les conservateurs (ou la droite et la gauche), mais entre les constructivistes et les libéraux, c'est-à-dire entre ceux qui pensent possible de « construire » une société et ceux qui pensent qu'il faut laisser agir les individus sans que l'on puisse savoir ce qu'il en résultera.
Pascal Salin, Libéralisme.
Reconnaître à ses semblables la même humanité qu’on reconnaît à soi-même implique de reconnaître qu’ils ont les mêmes droits que nous : le principe de l’universalité du Droit, de l’identité des droits de tous, de « l’égalité en droit ». La notion de « droits de l’homme » en découle : les êtres humains ont des droits par le simple fait qu’ils sont des êtres humains (droit naturel), et non parce qu’un État les leur accorderait (droit positif) :
We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness.
Déclaration d’indépendance américaine
Alors que ces droits naturels sont nécessairement des droits négatifs (le droit de ne pas subir d’agression), qui seuls peuvent être véritablement universels et opposables à tous, les constructivistes les balaient d’un revers de main au profit de pseudo-droits façon « lettre au père Noël », tel que le « droit à l’alimentation », le « droit au logement », ou même, plus récemment à Genève, le « droit à une vie nocturne ». Alors que le Droit se découvre, alors que le rôle d’une procédure de justice devrait être de découvrir ce qui est juste et celui d’une constitution de rappeler les droits, de véritables bibliothèques de lois ont fait de la pénalisation ou non d’un acte une question de lois arbitraires, injustifiées et absurdes variant du jour au lendemain et d’un pays à l’autre.  De principes qu’on peut connaître a priori, avant d’agir, nous passons à une « justice » où la légitimité d’un acte sera décidée a posteriori alors que la personne ne savait même pas qu’elle était dans l’illégalité au moment où elle agissait. Cela devient vrai dans des domaines aussi variés que l’antitrust aux États-Unis ou la répression du « viol » en Suède.

Droit, morale et goûts personnels

Les lois sont ainsi devenues une affaire d’opinion, de préférences personnelles. Des considérations d’ordre purement subjectif, psychologique ou esthétique viennent ainsi se mêler au débat politique.
Or, qu’on le veuille ou non, la politique consiste à déterminer les lois. Les lois déterminent quels actes sont punis de prison. Les actes punis de prison impliquent de forcer la personne condamnée à se rendre en prison, en dernier recours sous la menace de policiers armés. Autrement dit, la politique consiste à déterminer contre quels actes il est légitime d’utiliser la violence.
Utiliser la violence n’est pas un acte anodin et doit donc être réservé à des cas bien définis, et le débat politique ne devrait pas oublier la réalité des êtres humains qui seront menacés à la suite des décisions prises.
Exemples.
  • Lors du débat sur l’expulsion des étrangers criminels, un membre du parti « libéral » défendait le contre-projet en se vantant que son catalogue de délits passibles de l’expulsion était plus large, comme s’il nous vendait des crèmes hydratantes par correspondance, sans aucune réflexion portant sur la justice ou les conséquences pour les personnes expulsées.
  • Le débat sur la légalisation des drogues se retrouve pollué par des considérations d’ordre médical sur les effets bénéfiques ou nocifs de ces produits, au demeurant hors-sujet.
  • L’argumentaire du Parti socialiste suisse en faveur de l’initiative « Pour la protection face à la violence des armes », qui impliquerait notamment une interdiction du fusil à pompe, justifie cette dernière notamment par le fait qu’il « provoque des contusions sur l’épaule du tireur ».
  • L’interdiction du travail le dimanche est généralement défendue avec des arguments du type « le dimanche il y a autre chose à faire », « moi le dimanche je fais ceci ou cela, donc pas besoin d’ouverture des magasins » ou encore, slogan-choc des Jeunesses socialistes, « faites l’amour pas les magasins ».
  • La pétition « ras la fraise » demandant aux grandes surfaces de ne plus proposer de fruits importés d'Espagne, avec comme premier argument qu'ils « ne sont pas bons »...
  • Des hommes s’étant comportés de façon vaguement immorale en viennent à être accusés de viol (agression contraire au Droit).
Cette confusion entre droit, morale et goûts personnels est extrêmement dangereuse. Puisque tout devient affaire d’opinion, de caprices personnels, tout devient arbitraire et aléatoire. Il n’apparaît pas plus nécessaire de justifier l’interdiction des tournois de poker (mais non de ceux de jass) qu’il serait opportun de justifier préférer le rock au hip-pop, la dinde au poulet ou le Beaujolais au Merlot.
Le droit répond à la question : dans quel cas est-il justifié d’utiliser la force physique contre une autre personne ?
La morale, qui ne concerne déjà plus la politique, implique un jugement de valeur sur nos comportements vis-à-vis des autres. Elle peut être discutée rationnellement, justifiée, logique et cohérente, mais c’est un autre débat. Comme principe de morale communément admis mentionnons la règle d’or « comporte toi envers ton prochain comme tu aimerais qu’il se comporte envers toi ». Relevons que nous sommes déjà dans le domaine positif, de ce qu’il « faut » faire, et non plus seulement dans ce qu’il doit être interdit de faire comme pour le droit.
Le reste des opinions concerne généralement des goûts, choix, préférences, orientations qui concernent comment une personne se comporte avec les autres sans que cela relève ni d’une agression, ni d’un acte pouvant être qualifié de « bien » ou « mal », ainsi que tout ce qui ne concerne que la personne elle-même.
Il apparaît dès lors comme aberrant que des domaines comme la sexualité ou les stupéfiants, qui ne concernent généralement même pas la morale, en soient venus à être traités comme des questions de droit. C’est pourtant une évidence même grammaticale : une agression, une injustice, est toujours commise par quelqu’un contre quelqu’un d’autre. Même des règles de droit aussi primitives que « œil pour œil, dent pour dent » étaient déjà plus civilisées que nos législations actuelles, car elles reconnaissaient qu’on ne peut infliger un dommage à une personne comme acte de justice qu’en réponse à un dommage qu’elle a causé à quelqu’un.
De même, on ne peut être immoral qu’envers quelqu’un. S’il est immoral de mentir, c’est mentir à quelqu’un, immoral de ne pas aider une personne, c’est immoral envers cette personne, etc. Des déclarations telles que « l’homosexualité/la drogue/la prostitution/etc est immorale » apparaissent donc comme dénuées de tout fondement – et leurs auteurs se gardent d’ailleurs bien d’en fournir une justification rationnelle. Tout aussi irrationnel est le passage d’une activité, même si elle était immorale, dans le cadre du Droit alors qu’elle respecte strictement les droits d’autrui.
D’autres contraintes étatiques ne passent même pas par l’intermédiaire de la morale comme prétexte : pour la télévision étatique, on passe d’une simple préférence culturelle, « je veux une télé Suisse », au prélèvement de plus de 400 francs d’impôt sur le patrimoine, prélevé sur la simple possession de téléviseurs, par la contrainte et le contrôle.
Tant qu'une distinction entre les vices et les crimes ne sera pas clairement établie et reconnue par les lois, il ne pourra exister sur terre aucun droit, liberté ou propriété individuels ; rien qui ressemble de près ou de loin au droit d'un homme de contrôler sa propre personne et ses biens, ni aux droits correspondants et équivalents d'un autre à disposer librement de sa personne et de ses biens.
Lysander Spooner, Les Vices ne sont pas des crimes

Ordre et règles

Le laissez-faire ne consiste donc pas à laisser chacun faire n’importe quoi. Au contraire, à ce nihilisme capricieux où de simples goûts ou déclarations pseudo-morales deviennent prétextes à la contrainte, le libéralisme oppose une définition stricte du Droit, et donc une délimitation claire des droits de chacun, y compris les hommes de l’État. Chacun est libre de faire ce qu’il veut avec ce qui est à lui, tout ce qui est à lui et rien que ce qui est à lui, et une violation des droits de propriété n’est justifiée que pour empêcher ou répondre à une autre violation des droits de propriété.
Le libéralisme n’implique en aucun cas l’absence de règles, mais au contraire un respect accru de règles fondamentales, applicables de façon universelle. Car légaliser certaines activités revient à en interdire d’autres : permettre une activité commerciale entre adultes consentants, par exemple, équivaut à exclure l’usage de la force pour l’empêcher.
Au chaos d’une économie dirigée ou manipulée par l’État, le laissez-faire oppose l’ordre spontané du marché, soit la coordination volontaire et harmonieuse des producteurs, acheteurs et commerçants. Contre la jungle des règlements et des délations, le laissez-faire prône un ordre juridique basé sur des règles universelles et connues de tous. À la loi du plus fort (ou du plus nombreux), le laissez-faire répond par des droits de l’homme fondés sur un humanisme bien compris. Au lieu de la guerre de tous contre tous destructrice qu’implique la répartition des subventions et faveurs étatiques, le laissez-faire propose l’enrichissement mutuel par la coopération volontaire.
‎Modern civilization is a product of the philosophy of laissez faire. It cannot be preserved under the ideology of government omnipotence.
Ludwig von Mises

Le TGV Borloo

Le TGV Borloo  


Le TGV Borloo est sur les rails. Il s'appelle l'UDI (Union des Démocrates et Indépendants) et veut même se donner des allures de Trans Europe Express. Cela signifie que, cette fois, Jean-Louis Borloo a décidé de ne plus regarder passer les trains. On se souvient que celui de Matignon lui avait filé sous le nez en novembre 2010. Quant à jouer la locomotive centriste pour la présidentielle de 2012, on sait que Jean-Louis Borloo avait préféré se dérober en octobre 2011, laissant ses supporters dépités à quai. Et voici qu'un an après, l'ancien ministre repart « chaud comme la braise » et propose de raccrocher tous les wagons du centre gauche au centre droit.
Cette fois sera-t-elle la bonne et faut-il croire en la démarche de Jean-Louis Borloo ? En tout cas, il manifeste un bel entrain depuis quelques semaines. Hier, dans la salle mythique de la Mutualité, à Paris, Jean-Louis Borloo a cherché à faire partager un enthousiasme presque exagéré. Certains détracteurs y verront la marque du tempérament cyclothymique de l'ancien ministre.
Bref, Borloo a-t-il vraiment changé et peut-il modifier la donne ? C'est vrai, il a arboré une coiffure plus ordonnée que ses notes dans un discours un peu fouillis. Mais passons. Nombre de ses idées humanistes et européennes sont intéressantes et sa volonté de créer « l'UDF du XXI e siècle » est louable. Les parrainages bienveillants et inattendus de Valéry Giscard d'Estaing et, surtout, de Simone Veil, ne sauraient pourtant suffire.
L'objectif de Borloo est de constituer le premier parti d'opposition, indépendant de l'UMP. Cela suppose quelques conditions. D'abord, que s'accentuent les divisions à l'UMP. Ensuite, que Borloo parvienne à coaliser les sept « chapelles » qui constituent l'UDI. Enfin, que soit évitée la « guerre des chefs centristes », notamment avec le MoDem du rétif Bayrou. Sinon, le TVG Borloo connaîtra le même sort que l'hybride convoi de son Alliance républicaine, écologiste et sociale.

Gaspi

Gaspi 


Nous sommes peut-être en train de changer de monde. Nous avons été élevés dans le rêve du toujours plus de plaisirs et de richesses… Et voici qu’on nous demande maintenant de viser le toujours moins. Ça avait commencé avec le choc pétrolier et la chasse au gaspi de l’énergie. Cela continue aujourd’hui avec un ministre au nom prédestiné, M. Garot, qui veut lutter contre la surconsommation et le gaspillage des aliments : le pain grignoté au restaurant, le yaourt oublié dans le frigo, les haricots boudés par les gamins… La cause est sans doute noble. Mais faut-il alors dire au paysan de cultiver moins de haricots ? Et à Danone de produire moins de yaourts ? Il faudrait aussi supprimer le contrôle technique, pour changer moins souvent de voiture. Ce monde existe, il est celui de la décroissance. 
Un idéal pour nos temps de récession ?

Élections américaines : tous concernés

Élections américaines : tous concernés 


Nouveau temps fort de la présidentielle américaine, ce soir, avec le troisième et dernier débat Obama-Romney à la télévision. En raison du rôle économique et politique des États-Unis, et malgré l'affaiblissement de leur hégémonie passée, cette campagne électorale ne peut nous laisser indifférents.
Trois scénarios sont possibles :
Le premier, crédibilisé par de récents sondages, verrait la victoire du candidat républicain. Romney a pour lui sa capacité à mettre en ordre de bataille un parti profondément divisé, marqué par l'influence croissante de la droite conservatrice, radicale et religieuse. Le risque serait non seulement le retour à une politique extérieure plus agressive, à la George Bush, mais aussi à une politique profondément réactionnaire sur le plan économique, social et sociétal. Sa stratégie est simple : il faut « affamer la bête », diminuer radicalement les ressources de l'État, de façon à obliger la puissance publique à tailler dans ses dépenses sociales car les États-Unis ont un endettement encore plus grave que celui de l'Europe.
Par comparaison, le programme de notre Front national semble d'une grande modération ! Cette radicalisation a été le prix à payer pour rallier les extrémistes du Tea Party, mais pourrait être la source de l'échec. Une victoire de Romney fait peur à beaucoup de gens et le candidat est le meilleur repoussoir dont pouvait rêver Obama pour rassembler les déçus de sa présidence. Toutefois, un événement international grave (par exemple, l'Iran bombardé par Israël) pourrait modifier le paysage électoral.
Le second scénario, incertain, serait celui d'une double victoire des démocrates, à la présidence et au Congrès où les républicains sont actuellement majoritaires. L'Amérique est familière de ce type de cohabitation. Elle ne pose pas de problème constitutionnel, mais oblige le Président à des négociations permanentes (et souvent stériles) sur tous les sujets hormis la politique étrangère et la sécurité du pays. Obtenir une majorité démocrate n'a rien de garanti, même en cas de victoire nette d'Obama, tant les résultats sont affectés par les manipulations multiples des règles électorales régies par les législations différentes des cinquante États. Une victoire totale permettrait d'espérer qu'Obama puisse enfin mettre en oeuvre son programme qu'il n'a pas eu vraiment la possibilité d'appliquer.
Le troisième scénario serait celui d'un régime affaibli par ses divisions, c'est-à-dire un Président vraisemblablement démocrate avec l'une ou les deux Chambres dans l'opposition. C'est une hypothèse non seulement probable, mais aussi appréciée par de nombreux Américains hostiles à la concentration du pouvoir. Contrairement aux Français, qui y verraient un désastre et une source de désordre et de faiblesse, une large fraction de l'électorat américain est fondamentalement hostile au « big government ».
Quelle que soit l'issue, la France en subira les retombées positives ou négatives. Depuis quasiment un siècle, nous sommes dépendants des débats idéologiques ou sociétaux et des évolutions technologiques qui s'épanouissent outre-Atlantique : consommation, modes de vie, intégration des minorités, droits des femmes, discrimination positive, Internet, etc. Nous y mettons des couleurs tricolores, mais les vents dominants viennent toujours de l'Ouest.

Les capitaux chinois débarquent dans le transport aérien français

Selon nos informations, le groupe chinois HNA, maison-mère de la quatrième compagnie aérienne chinoise Hainan Airlines va annoncer mardi son entrée dans le capital de la compagnie française Aigle Azur à hauteur de 48%. Un accord capitalistique doublé d'un volet opérationnel avec le lancement de vols long-courriers d'Aigle Azur entre la France et la Chine. Aigle Azur pourrait embaucher plus de 400 personnes en France dans les 15 prochains mois.
L'annonce que fera demain la compagnie aérienne française Aigle Azur est historique. Ce sera la première fois dans l'histoire du transport aérien français qu'une compagnie tricolore ouvre son capital à des capitaux des pays dits émergents. En l'occurrence chinois. Aigle Azur (320 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011) va annoncer mardi matin un accord stratégique avec le groupe chinois HNA (plus de 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires), maison-mère de Hainan Airlines, la quatrième compagnie aérienne chinoise (plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires), laquelle compte comme actionnaire minoritaire le milliardaire américain George Soros. Depuis quelques années HNA prend des participations dans des entreprises aux quatre coins du monde. La Tribune avait révélé les discussions en décembre 2011.
Le montant de l'opération reste inconnu
Selon nos informations, le groupe chinois va enter dans le capital de la compagnie française à hauteur de 48%, pour un montant pour l'heure inconnu et dont il n'est pas sûr qu'il soit communiqué lors de la conférence de presse qui se tiendra mardi matin à Paris à en présence d'Arezki Idjerouidene, président d'Aigle Azur, de son fils Meziane Idjerouidene, directeur général, du président du groupe HNA Cheng Fen, accompagné de son vice-président Wang Jian et d'un membre du conseil d'administration. Pour rappel, un investisseur non communautaire ne peut détenir plus de 49,9% du capital d'une compagnie européenne. L'actionnaire majoritaire, Gofast, détenu à 100% par Arezki Idjerouidene, gardera le contrôle d'Aigle Azur. La gouvernance ne doit pas changer non plus.
Aigle Azur lancera des long-courriers vers la Chine
Cet accord capitalistique se double d'un volet opérationnel avec le lancement par Aigle Azur de vols long-courriers entre la France et la Chine. Un A330-200 va d'ailleurs intégrer la flotte prochainement. Jusqu'ici la compagnie française n'assurait que des vols moyen-courriers. Grâce à cet accord, la compagnie aérienne française, qui emploie plus de 1000 personnes en saison estivale, pourrait embaucher plus de 400 personnes supplémentaires en France dans les 15 prochains mois.
Un peu comme le Club Med? 
C'est accord intervient après plus de 18 mois de discussions. « Il traduit plus la volonté d'Aigle Azur de se développer vers l'énorme marché chinois et de pérenniser ainsi les emplois sur le long terme que de vouloir faire un coup. Aigle Azur n'est pas en difficulté. La compagnie est bénéficiaire et n'est pas endettée », explique un connaisseur du dossier. Une démarche qui ressemble à celle du Club Méditerranée, dont le premier actionnaire n'est autre que le groupe chinois Fosun, avec plus de 10% du capital.
HNA, un conglomérat qui possède 270 avions
Le groupe HNA détient des actifs dans la logistique, la gestion aéroportuaire, le tourisme, l'hôtellerie... et le transport aérien, sa plus grosse activité. Hainan Airlines (coté à Shanghai et actionnaire de Hongkong Airlines) est le plus gros morceau du groupe HNA. Elle possède plus d'une centaine d'appareils, transporte 20 millions de passagers et dessert plus de 90 destinations. Hainan détient 45% de Hongkong Airlines. D'autres compagnies font partie du groupe. Au total, les compagnies dans la sphère de HNA totalisent plus de 270 avions.
Aigle Azur, une compagnie de niche
Née en 1946, Aigle Azur est la plus ancienne compagnie aérienne française privée. Au début des années 2000, moribonde, elle a été reprise par le groupe Gofast, créé en 1983 par Arezki Idjerouidene. Cantonnée dans les vols charters moyen-courriers, elle se spécialise sur des marchés de niche en lançant des vols réguliers vers l'Algérie. Cherchant également à se faire une place sur des destinations sensibles mais à fort potentiel, Aigle Azur avait prévu de se poser à Bagdad (un premier vol avait été réalisé) puis à Tripoli, deux projets qui n'ont pas abouti. L'été dernier, la compagnie a surpris en annonçant l'ouverture de vols vers Moscou en partenariat avec la russe Transaero.
La compagnie assure également des vols vers le Mali, la Tunisie et le Portugal. Au final, Aigle Azur propose 23 destinations. Aujourd'hui Aigle Azur compte 13 avions moyen-courriers de la famille A320.

Rapport Gallois: la pression s'accentue sur le gouvernement

Les fuites se multiplient concernant le rapport Gallois sur la compétitivité. Et les commentaires s'accumulent. Alors qu'il doit être remis au gouvernement le 5 novembre, la pression sur lui s'accentue.
La pression s'est accentuée samedi sur le gouvernement pour déclencher un "choc" de compétitivité après des fuites dans la presse sur le rapport très attendu de Louis Gallois, avec notamment des déclarations du patron de Renault, Carlos Ghosn.
Un rapport dont les conclusions sont guetées avec impatience depuis que Jean-Marc Ayrault a confié en juillet à l'ancien patron d'EADS le soin de d'étudier la compétitivité des entreprises françaises. Il doit être rendu le 5 novembre. Ce alors que le déficit commercial de la France a atteint un niveau record de plus de 70 milliards d'euros en 2011 et sa part du marché mondial est tombée depuis 1990 de 6,2% à 3,6%.
Pour y remédier, Louis Gallois préconise, selon Le Figaro, "un choc de compétitivité sur deux ou trois ans de 30 milliards" d'euros. Vingt milliards seraient dégagés par une baisse des cotisations patronales, les dix autres par une réduction des cotisations salariales. Les réductions de cotisations concerneraient les salaires jusqu'à 3,5 fois le Smic, selon le quotidien qui ne cite pas ses sources.
Hausse modérée de la CSG et de la TVA
Pour financer ces baisses, Louis Gallois proposerait d'une part une "réduction massive de la dépense publique", au delà des 10 milliards déjà prévus dans le projet de loi de finance débattu au Parlement. Et d'autre part, une hausse modérée de la CSG et de la TVA. Le rapport souhaiterait également "une nouvelle fiscalité écologique sur le diesel". Pour s'assurer le soutien des syndicats, M. Gallois proposerait "que les représentants des salariés aient une voix délibérative dans les conseils d'administration des entreprises".
"Pas besoin d'un rapport de plus"
"Il faut traiter ce problème, on n'a pas besoin d'un rapport de plus", a averti samedi Carlos Ghosn, le PDG du constructeur automobile Renault. "Si nous voulons créer des emplois en France et si nous voulons que l'industrie n'émigre pas de manière massive hors de France, nous avons besoin de réduire les charges qui pèsent sur le travail", a-t-il insisté. Et la CGPME, qui représente les petites et moyennes entreprises, s'est dite de son côté "tout à fait favorable à une baisse importante du coût du travail".
Minimiser l'importance du rapport
Le gouvernement, pourtant commanditaire du rapport, s'est, semble-t-il, efforcé d'en atténuer la portée, via le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici. "Je suis ici avec Louis Gallois qui m'assure qu'il ne s'agit même pas de fuites mais de déformation", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances en marge d'un forum économique à Berlin où l'ancien patron d'EADS était aussi présent. Si ce rapport "sera une contribution importante" pour appuyer les choix du gouvernement, "ce sera à nous de définir ce que sera la politique de compétitivité pour le pays", a insisté le ministre, relevant la nécessité de protéger le pouvoir d'achat des Français.
Vendredi déjà, lors de premières fuites dans la presse, François Hollande avait pris ses distances. "C'est un rapport qui engage son auteur, qui n'engage pas le gouvernement, pas le président de la République", avait-il dit, tandis que son Premier ministre préfère parler à présent de "plan d'ensemble", plutôt que de "choc de compétitivité. Ce changement de ton a fait dire samedi au secrétaire général et candidat à la présidence de l'UMP Jean-François Copé que François Hollande se trouvait pris "à son propre piège", "après avoir nié l'enjeu de la compétitivité", tandis que Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière dénonce des milliards d'euros qu'"on volera aux travailleurs".

Le scandale du référendum d’initiative populaire

Le scandale du référendum d’initiative populaire 


 Mea culpa. Dans mon billet du 1er septembre, j’envisageais l’usage du référendum d’initiative populaire comme un moyen pour l’opposition libérale de s’appuyer sur le peuple pour combattre certains projet du pouvoir et même de promouvoir ses objectifs politiques, par exemple en matière économique ou de sécurité:
« Lors de la réforme du 23 juillet 2008, le Président Sarkozy a introduit dans la Constitution la possibilité d’organiser un « référendum d’initiative populaire ». Deux conditions essentielles doivent être réunies : une initiative d’un cinquième des parlementaires et la signature d’un dixième du corps électoral. Les sénateurs et les députés de droite, s’ils le souhaitent, ont largement la possibilité de s’engager dans cette voie : ils sont 328 au total alors que le seuil nécessaire est de 185 ! Puis, obtenir le parrainage de 4,32 millions d’électeurs inscrits semble réaliste à travers le réseau militant ou celui des élus locaux. »
Or, je me suis trompé et prie mes lecteurs de bien vouloir m’en excuser. Le recours au référendum d’initiative populaire est aujourd’hui impossible parce que la loi organique nécessaire à sa mise en oeuvre, quatre ans après la révision constitutionnelle, n’a pas été  adoptée par le Parlement. Elle a certes été votée par l’Assemblée nationale, le 10 janvier 2012, mais ensuite transmise au Sénat et enterrée du fait des échéances électorales.
On est dans le pur déni de démocratie et l’atteinte de plein fouet aux principes républicains les plus évidents, les plus fondamentaux: la classe politique s’arrange en catimini pour faire obstacle à la l’application de la Constitution. Elle protège ses intérêts de caste en tenant le peuple à l’écart, en l’empêchant de faire valoir ses droits à la participation aux affaires de la cité. Ce scandale ne peut que renforcer les extrêmes, front de gauche et front national en favorisant le dégoût des institutions et du pouvoir confisqué. Il se présente comme une atteinte grave à la démocratie, une de plus. L’approche des élections municipales de 2014, susceptible de faire re-basculer le Sénat dans le camp libéral,  pourrait être l’occasion de remettre le sujet sur le tapis: voter pour des listes qui s’engageront, lors de la future élection du Sénat, à élire des sénateurs déterminés à approuver la loi organique.