TOUT EST DIT

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samedi 5 avril 2014

De de Gaulle à Hollande : un demi siècle de vote sanction aux municipales


La déroute de la gauche au deuxième tour de 2014 accentue comme jamais une vieille tradition de l’électorat français : utiliser les municipales pour sanctionner ceux qu’il vient d’élire nationalement.

Les élections municipales de mars 2014 ne feront pas mentir une vieille tradition de la Vème République : leur utilisation par les électeurs pour exprimer un vote sanction contre le pouvoir que, généralement, ils ont porté triomphalement aux affaires quelques mois plus tôt.
Dès 1959, neuf mois après l’arrivée triomphale de Charles De Gaulle à l’Elysée et le raz-de marée gaulliste aux législatives, les municipales sont une vraie déception pour la majorité de droite de l’époque. L’UNR, le parti du Général, enregistre un recul. La SFIO, elle, se maintient et le parti communiste se renforce. « On constate une poussée communiste dont il serait vain de vouloir dissimuler la portée et la gravité » s’alarme le jeune Albin Chalandon. Guy Mollet est réélu de justesse à Arras, Gaston Deferre emporte Marseille, mais après être arrivé derrière le PCF au premier tour. Ce qui apparait au minimum comme un « rééquilibrage » est mis sur le compte du plan Rueff-Pinay de redressement mis en œuvre par le gouvernement de Michel Debré. Dans la foulée, la CGT et la CFTC s’entendent pour organiser une vaste journée d’action contre « la politique antisociale du gouvernement ». Cela n’empêchera pas en 1962 le succès du référendum instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel et une victoire gaulliste sans bavure aux élections législatives.
Pour les municipales de 1965, la majorité gaulliste nourrit donc de grands espoirs. Afin de se donner le maximum de chances d’écraser un peu plus l’opposition elle fait passer un projet de loi qui institue un scrutin de liste dans le villes de plus de 30 000 habitants : la liste élue au premier tour, ou au second, raffle tous les sièges du conseil municipal. Là encore le « front populaire », réunissant le partis de gauche, fait mieux que résister à l’offensive de l’UNR et de ses alliés. Plusieurs villes tombent à gauche : Grenoble, Le Mans, Colombes, Limoges, Angers, Toulon, Nîmes, Laon et Le Havre. Hubert Dubedout, un ingénieur qui s’était engagé dans le combat municipal parce qu’il s’énervait de ne pas avoir d’eau au robinet de sa salle de bain, commence un long règne socialiste à Grenoble. « Le second tour constitue un avertissement pour le pouvoir, ses soutiens et ses alliés » écrit Jacques Fauvet dans Le Monde. Quelques mois plus tard, à la surprise générale, De Gaulle sera mis en ballotage face à François Mitterrand à l’élection présidentielle.
Les municipales de 1971 offrent l’occasion à une gauche mal en point de prendre sa revanche après le succès inespéré de la droite aux légilslatives de 1967 et l’élection dans un fauteuil de Georges Pompidou à l’Elysée en 1969. Mais cette fois, c’est plutôt la stabilité qui l’emporte. La campagne a été fortement politisée car sur 41 membres du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, 36 étaient candidats ! Les résultats sont rendus également difficiles à interpréter par la coexistence de deux modes d’élection : scrutin majoritaire à deux tours avec liste bloquée pour les villes de plus de 30 000 habitants, scrutin majoritaire de liste plurinominal avec panachage pour les autres. Néanmoins, le fait marquant de cet épisode c’est l’accentuation de la bipolarisation qui déborde désormais des élections nationales vers les locales, tandis que les centristes sont laminés. L'UDR fait sa première percée au sud de la Loire.
La belle victoire présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 a été gâchée, deux ans plus tard, par le clash de son Premier Ministre Jacques Chirac. Raymond Barre, le nouveau chef de gouvernement, connaît son baptême du feu électoral avec les municipales de 1977. Les listes d’opposition progressent de sept points au premier tour, la majorité en perd plus de cinq. La victoire de Jacques Chirac à Paris masque un peu la déroute de la majorité au second tour due à l’excellente discipline des désistements entre socialistes et communistes. Quatre ministres sont battus. Raymond Barre reconnaît le succès de la gauche. « Les résultats des élections ne doivent pas conduire la majorité à une attitude défensive...mais elle doit être porteuse d’un message de progrès, de justice et de liberté » en conclut Valéry Giscard d’Estaing. Huit jours après, le gouvernement Barre est remanié.
Survenant deux ans après la victoire historique de François Mitterrand en 1981, les municipales de 1983 virent au cauchemar pour la coalition des socialistes et des communistes . La gauche perd 31 villes de plus de 30 000 habitants. Grenoble, Roubaix, Tourcoing, Epinal, Reims, Béziers, Nîmes, entre beaucoup d’autres, tombent à droite. Seule Chatellerault, grâce à Edith Cresson, bascule à gauche. Les deux faits marquants sont notamment l’ébranlement du communisme municipal et l’ancrage à droite des centristes. Les observateurs comparent souvent les élections de 2014 à ces élections de 1983. Proche d’Hubert Dubedout, quand celui-ci règnait sur Grenoble, qui avait été battu en 1983, a ainsi parlé pour caractériser 2014 de « 1983 bis ». Sauf que cette fois c’est le socialisme municipal qui est ébranlé en profondeur. L’autre choc du scrutin est la percée du Front National à Dreux, dont le candidat, Jean-Pierre Stirbois va conquérir la ville en septembre, le vote de mars ayant été invalidé. Ville symbole malgré elle, trente ans plus tard la commune du Centre a vu la liste de la droite, dirigée par Gérard Hamel, l’emporter au second tour de 2014. La candidate du FN n’arrive qu’en quatrième position, avec 12 % des suffrages...
Les municipales de 1989 constituent peut-être la seule exception à la règle du « rééquilibrage ». Succèdant à la réelection magistrale de François Mitterrand en 1988, elles sont marquées, pour la première fois, par un taux d’absention supérieur à 30 %. Le Parti socialiste en sort renforcé, conquérant 35 villes de plus de 20 000 habitants, dont Strasbourg, arraché par la rocardienne Catherine Trautmann. Robert Vigouroux, politique pourtant sans charisme, réalise le « grand chelem » à Marseille, gagnant les huit secteurs de la ville. En 2014 le docteur Vigouroux a accepté de présider le comité de soutien de Patrick Mennucci, mais le PS s’est retrouvé pratiquement dans la position inverse de 1989 ! Seule consolation, Jean-Claude Gaudin n’aura réalisé pour sa part qu’un « petit chelem » puisqu’il a été battu dans deux secteurs. Faits marrquants de ces municipales : l’émergence du vote Vert, qui obtiennent une quinzaine de maires, et la multiplication des triangulaires imposées par la progression du Front National. De ce moment, la droite ne va cesser de dénoncer l’instrumentalisation par François Mitterrand du vote FN pour se maintenir au pouvoir.
Les élections de 1995, qui arrivent dans la foulée de la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle où tout le monde attendait Balladur sont dans la lignée du scrutin présidentiel, assurant un modeste gain à la droite. Mais elles apparaissent aux observateurs comme déjà un début de rééquilibrage pour la gauche. Rétrospectivement un lecture fine de leurs résultats, qui enregistrent une poussée socialiste dans les grandes villes, significative mais souvent insuffisante pour les faire basculer, montrerait sans doute que les germes de la défaite surprise de la droite aux législatives de 1997, après la « dissolution Villepin » sont déjà semés. A l’inverse, les municipales de 2001jouent le rôle inverse : malgré la relative popularité de Lionel Jospin premier ministre, c’est une vague bleue, mais elle est cachée par la conquête de Lyon et de Paris par Gérard Collomb, un sénateur qui bat la personnalité très contreversée qu’est Charles Millon, et Bertrand Delanoë, qui a su profiter des rivalités à droite, entre Jean Tiberi et Philippe Séguin. Là encore, les deux mouvements souterrains qui affectent la gauche, désaffection des couches populaires, et « boboïsation » du vote socialiste dans les grandes villes, pèseront certainement beaucoup dans le Waterloo électoral de Lionel Jospin, le 21 avril 2002.
Jusqu’à cette élection de 2014, les municipales de 2008 constituaient sans doute le modèle le plus pur du vote de retournement de l’opinion sous la Vème République, du moins pour la droite. Un an après le triomphe de Nicolas Sarkozy, la gauche socialiste raffle de nombreuses villes à l’UMP : c’est la vague rose. François Hollande appelle à « un remaniement du Président lui-même » soulignant « la portée nationale du scrutin : elle concerne le président de la République, le gouvernement et la majorité ». Et d’ajouter encore : « rarement un président de la République, après dix mois aux responsabilités, n’aura connu échec plus cinglant, déconvenue plus grande, défiance plus affirmée ». Une déclaration que l’on pourrait reprendre mot pour mot au soir du deuxième tour de 2014. Preuve aussi, que la loi de l’alternance, qui domine la vie politique nationale depuis plusieurs années, semble s’être installée dans l’autre sens au niveau local.

Juppé prend l'avantage sur Sarkozy à droite


Jean-François Copé, bénéficie à plein, comme président de l'UMP, de la « vague bleue ». Il gagne 15 points à droite.

Juppé en majesté. Pour la deuxième fois dans le baromètre CSA pour « Les Echos », l'ancien Premier ministre, réélu maire de Bordeaux avec 60,97 % des voix, prend l'avantage sur Nicolas Sarkozy chez les sympathisants de droite, avec 78 % d'image positive (+ 6 points) contre 77 % pour l'ex-chef de l'Etat (+ 2 points). Une dynamique qui résulte « d'un effet Bordeaux mais aussi d'un effet national », observe Bernard Sananès, le président de CSA. Alain Juppé est toujours en tête du baromètre auprès de l'ensemble des Français, avec 56 % d'image positive (+ 7 points), faisant figure de sage à droite. Nicolas Sarkozy se situe, lui, à 44 %.
Le maire de Bordeaux creuse aussi l'écart avec François Fillon. Auprès des sympathisants de droite, il bénéficie de 14 points d'image positive de plus. Auprès des Français, le député de Paris est aussi distancé de 14 points par Alain Juppé, à 42 % d'image positive (+ 2).
Quant à François Bayrou, élu, lui à Pau, il gagne 9 points d'image positive auprès des Français, à 48 %. Surtout, le président du Modem gagne 14 points auprès des sympathisants de droite. C'est l'effet retour de François Bayrou dans le giron de la droite. Et c'est aussi le début du « pardon » des électeurs de droite troublés par son vote pour François Hollande au second tour de la présidentielle. « Cela veut aussi dire, sur une ligne politique Juppé-Bayrou, qu'il y a un espace qui s'ouvre », analyse Bernard Sananès.

NKM pâtit de sa défaite

Mais le bond le plus important auprès des sympathisants de droite est celui effectué par Jean-François Copé, avec 15 points de mieux, à 46 % d'image positive. Il bénéficie à plein, comme président de l'UMP, de l'effet municipales. « Il apparaît, avec Alain Juppé et François Bayrou, comme le principal gagnant des municipales. Ils étaient les plus engagés dans cette campagne », observe le sondeur. Cela valide la stratégie de Jean-François Copé qui, comme président de l'UMP, mise sur les scrutins intermédiaires pour entamer « la reconquête », comme il le martèle, mais aussi pour se reconstruire. Mais s'il gagne aussi 8 points auprès des Français, il ne s'extrait pas encore pour autant des « gaz de schiste », puisqu'il demeure dernier du classement.
Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate malheureuse à Paris, elle pâtit de l'effet vague bleue. Elle perd 6 points, à 46 % : les sympathisants de droite se disent, au vu des résultats des municipales, que Paris était peut-être gagnable.
Isabelle Ficek, Les Echos

Christiane Taubira à l'heure du bilan : une haute opinion de soi mais une justice en déshérence


Peines de substitution, probation : du vent, de la démagogie, de l'idéologie. La garde des Sceaux pratique la politique du verbe. Elle incarne toutes les tares d'une gauche morale qui fait fi des réalités. Cet essai dresse un tableau sans concession de notre justice. Extrait de "Contre la justice laxiste", de Philippe Bilger, aux éditions l'Archipel .
Dénoncer la gauche à cause de sa vision judiciaire pourrait laisser croire à une détestation obsessionnelle qui, par idéologie, s’acharnerait à ne chercher que du négatif dans la masse qui viendrait emplir le réel de sa substance.
Nulle possibilité, face à un tel thème, d’échapper à Christiane Taubira, qui représente dans sa perfection perverse un socialisme de l’inabouti, de l’irénique et du conceptuel. Elle a poussé au paroxysme cette tendance à ne rien faire pour éviter le honteux reproche de prétendre s’attaquer à l’insécurité par des moyens qui seraient efficaces, certes, mais de droite, donc inadmissibles. Il y a eu, en matière de justice, des politiques de gauche. Depuis le mois de mai 2012, Taubira, sa personnalité et son verbe profus, représentent à eux seuls la politique de gauche. Le flacon est vide, mais certains énamourés déclarent qu’il a belle allure… et qu’il est donc plein.
Difficile de ne pas s’en prendre au tempérament même de la ministre, à son narcissisme somptueux, en donnant l’impression d’offenses indélicates et personnelles – alors que, pour quitter ce terrain intime, il faudrait nous en laisser le choix. Pour arbitrer entre la personne et ses actes – et opter, si nécessaire, pour la critique de ceux-ci –, il faudrait que l’emprise de la subjectivité ne pèse pas plus lourd, voire remplace ces derniers.
Avec c, c’est elle ou rien, elle ou nous. Idolâtrie ou révélation du simulacre, levée des illusions : entre ces extrémités, il n’existe aucun juste milieu permettant de mettre de l’eau dans son vin, de la nuance et de l’analyse dans sa perception, du ministre dans Taubira et du Taubira dans la garde des Sceaux.
Christiane Taubira nous condamne à demeurer face à elle et à nous persuader que la justice de gauche consiste en ses mots doux pour la délinquance et la criminalité, en son empathie pour cette part du pays qui ne vote pas FN – dont les électeurs sont forcément des salauds et des brutes –, et des maux pour une société dont son progressisme si chargé de poésie et de fl ou ne raffole pas.
À bien y regarder, Christiane Taubira, c’est une haute opinion de soi, mais une justice fortement en baisse. Et pour cause !
La loi en faveur du mariage pour tous, une loi contre le harcèlement, un projet de loi qui ne permettra pas de prévenir la récidive – au contraire, le récidiviste ne sera plus distingué, pour l’aggravation, du délinquant primaire –, mais qui rendra la société moins sûre, plus dangereuse… Qu’une immense part de l’opinion publique – 85 % – soit persuadée d’un sombre avenir n’arrêtera pas la gauche, mais la confi rmera dans l’idée qu’un processus pénal détesté par le peuple ne peut pas être tout à fait mauvais !
Des prisons laissées en l’état, mais avec des larmes de « crocodile » humaniste sur elles. On débattra après les municipales… mais il y a loin de la coupe aux lèvres, de l’adhésion fl atteuse et sans risque à des mesures suicidaires au risque d’une politique fondée sur elles, de la célébration parisianiste et inconditionnelle de Christiane Taubira – qu’on n’avait jamais deviné tant aimée au long de son parcours, à la fois honorable et chaotique, minoritaire et fl uctuant – à l’acceptation par le Parlement d’un programme qui amplifi era l’insécurité et donc les peurs et les angoisses citoyennes.
Il serait injuste de ne pas retenir que la ministre continue d’agir – à sa manière, c’està- dire en reculant. Avec elle, on ne peut plus se permettre de faire les diffi ciles ! Alors que la réforme des tribunaux de commerce avait été promise il y a un an par le Premier ministre dans le pacte de compétitivité, qu’elle était attendue par les entreprises et la justice, que les parlementaires socialistes avaient rendu un rapport de qualité indiquant la marche à suivre pour cette rénovation, et que la ministre aurait eu l’appui unanime de la majorité pour cet objectif… elle a abandonné ! Le projet de loi sur la protection des sources, soutenu par les journalistes, même s’ils l’espéraient plus ferme, a été reporté au 14 mai 2014, à cause, paraît-il, de « l’embouteillage législatif ».
Cette attitude est très révélatrice, à un double titre. La ministre ne profi te pas de son aura politico-médiatique pour aller de l’avant, même quand la voie est royale. Elle n’apprécie que les causes venant fl atter son narcissisme – qu’elle en sorte victorieuse, comme avec le mariage pour tous, ou blessée, dans le cas du racisme. Le tout-venant, pourtant nécessaire, n’est pas pour elle !
Qu’il est compliqué d’évaluer ce qui existe à peine, ou refuse obstinément d’avoir une consistance objectivement appréciable ! Plus les élections municipales approchent, plus Christiane Taubira multiplie ce qui lui plaît par-dessus tout et offre le grand avantage de ressembler à l’action, sans en être : elle s’abandonne aux délices d’un comportement ministériel ne prenant jamais aucun risque, et donc à peu près assurée du soutien d’une majorité qui, n’étant confrontée à rien de diffi cile et de concret, applaudira la richesse verbale qu’on lui prodigue à foison.
Christiane Taubira défait, recule (les tribunaux de commerce et les journalistes), gèle (l’ouverture du tribunal des étrangers à Roissy), prévoit, annonce, met en chantier.
Il paraît que nous aurons, en 2014, une refonte totale de la justice des mineurs et de l’ordonnance de 1945 avec l’éducatif comme priorité et, par conséquent, la suppression des tribunaux correctionnels pour les mineurs de seize à dix-huit ans. Il est normal qu’on abolisse cette disposition de l’ancien quinquennat, puisqu’elle était judicieuse, et qu’on replonge donc la justice des mineurs dans un climat de mansuétude compréhensive – et outrée de n’être pas partagée par beaucoup. Violents de plus en plus jeunes, ces « enfants » – comme il faut paraît-il affectueusement les désigner – seront traités, grâce à ce que nous préparent les services de la garde des Sceaux, avec la douceur et la tendresse que leur précocité justifi e, mais que leurs délits et crimes devraient interdire.


Extrait de "Contre la justice laxiste", de Philippe Bilger, aux éditions l'Archipel, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

Hollande à Royal : "Si tu reviens, j'annule tout !"


On se souvient du célèbre (bien que non authentifié) texto de Sarkozy à Cécilia avant qu’il ne convole en justes noces avec Carla Bruni : « Si tu reviens, j’annule tout ! ». Il est tout à fait impossible de prouver que
François Hollande a envoyé le même à Ségolène Royal. Mais le fait est qu’il a tout annulé. L’odieuse Valérie Trierweiler a été répudiée. L’inconsistante Julie Gayet a été oubliée. Et, Jean-Marc Ayrault, que la présidente de la région Poitou-Charentes tenait pour un pathétique nigaud, a été congédié.
C’est qu’il avait besoin d’elle ce pauvre Hollande, au plus bas dans les sondages, et humilié par la gifle des municipales. Elle a tout ce qu’il n’a pas : de la ténacité, de l’audace et de la volonté. Elle est tout ce qu’il n’est pas : populaire et bon chic bon genre. Pour ma part, et sans dire pour qui j’ai voté en 2007 et pour qui je n’ai pas voté en 2012, des deux c’est elle que je préfère. Et mon choix n’a rien à voir avec mon hétérosexualité.
Hollande avait impérativement besoin d’une béquille. Il n’empêche qu’il lui a fallu un certain courage, de la « bravitude » (le mot est de circonstance), pour faire appel à son ex. Car tout laisse à penser qu’elle n’est pas du genre docile, soumise et obéissante.  Elle a vécu un certain nombre d’épreuves sur le plan politique comme sur le plan personnel. Et ça forge le caractère.
Mais Hollande, président en détresse, avait-il le choix ? Non. Pas plus qu’il n’avait le choix pour sa deuxième béquille. Manuel Valls s’est naturellement imposé. Croit-on que c’est de gaité de cœur que le chef de l’Etat s’est résolu à appeler à Matignon son potentiel rival à la présidentielle de 2017 ? Et qui pourrait imaginer que Manuel Valls sera plus docile, plus soumis et plus obéissant que Ségolène Royal ? Des béquilles comme celles-ci ont, tôt ou tard, tendance à ne plus soutenir mais à faire des croche-pattes.
Il faut relever néanmoins un aspect positif à ces nominations. C’en est en effet fini de l’ennui soporifique que dégageait le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Il n’y avait alors que les écologistes pour amuser un peu la galerie avec la finesse de « Bienvenue chez les Ch’tis ». Et comme ils n’amusaient plus personne, on les a dégagés. Ce qui, soit dit en passant, est une bonne nouvelle pour les amoureux du bon cinéma et pour les contempteurs du mauvais cirque.
Dorénavant, avec le gouvernement de Manuel Valls, on va pouvoir s’amuser vraiment et dignement. Du lourd. Du bon. Du sérieux. Et quelle distribution ! Un Premier ministre qui n’a jamais caché qu’il voulait la peau du président de la République. Une ministre qui est non seulement une ex du chef de l’Etat mais aussi, et ce n’est pas négligeable, une ex-candidate à la présidence de la République. Et enfin, une ministre maintenue, Christiane Taubira, dont il est de notoriété publique qu’elle et son nouveau supérieur hiérarchique se haïssent cordialement. Comment ne pas remercier pour tout cela tous ceux qui ont si bien voté lors des municipales ?

Et maintenant cap sur les européennes avec des Français en plein euroscepticisme : en faire plus ou en faire moins, quelles pistes pour sortir de l'impasse ?


D'après une enquête de l'Ifop pour la Fondation Jean Jaurès, publiée vendredi, 52% des Français considèrent que faire partie de l'UE est une "mauvaise chose". Un record cinglant né des difficultés d'un système transnational passé par la crise de 2008, et qui traduit une évolution politique majeure sur le Vieux Continent, sur fond de disparition du clivage gauche-droite.

Pour la première fois dans l'histoire de la construction européenne, une majorité de Français pensent l'Union de manière négative. Quelle est la nature du message qu'ils veulent envoyer aux défenseurs de Bruxelles ?

Nicolas Dupont-Aignan : On assiste, enfin, à l’émergence d’une certaine lucidité de nos concitoyens qui voient désormais les conséquences concrètes des politiques menées par Bruxelles sur leur quotidien (chômage, insécurité, humiliation constante de la France). Ils le constatent d’abord sur le plan économique avec les dégâts causés par le libre-échange déloyal, notamment à travers l’explosion des travailleurs détachés (350 000) alors que partout sur le territoire des PME, des artisans, ferment boutique. Ce sont aussi les délocalisations, l’arrivée de populations Roms précaires, l’explosion des cambriolages (liée à l’entrée des mafias d’Europe de l’est, NDLR). Les causes de tous ces phénomènes sont clairement dues, les faits sont là pour le démontrer, aux textes et traités qu’ont signé nos dirigeants ces trente dernières années qui ont laissé filer dans le même temps leurs souveraineté. C’est quelque part la confirmation de ce qu’avait prédit Philippe Séguin 20 ans plus tôt sur l’échec programmé de l’Union européenne, et l’on ne devrait pas s’étonner de voir ce chiffre de 52 % progresser sur les prochaines années si rien n’est fait pour changer d’orientation.
Corinne Lepage : Je pense qu'il y a une très forte attente de la part de l'Europe. L'Europe, c'est le plus beau projet que nous ayons eu sur la table au cours du XXème siècle. C'est un projet qui se base sur la paix, et au vu de ce qui se passe en Ukraine, de l'attitude de la Russie, il est clair que nous avons besoin d'une organisation européenne. Ça n'est pas la France toute seule, ça n'est pas nous les Français, seuls, qui allons tenir tête à Vladimir Poutine. Ça n'a aucun sens.Nous avons besoin d'une Europe politique. Mais nous n'avons qu'une Europe économique, qui de surcroît a oublié tout l'aspect social qui, pour nous Français, est quelque chose d'extrêmement important. Il y a une demande de construction politique de l'Europe – personnellement, je ne crois pas qu'on puisse la faire à 28 – et c'est la raison pour laquelle Europe citoyenne soutiendra l'idée d'un cœur d'Europe dans la campagne électorale qui s'annonce. C'est-à-dire d'une reconstruction, par cercles concentriques à partir d'un cœur de l'Europe et non pas de tous les Etats. Ce ne sera que quand ce cœur de l'Europe sera construit, de manière démocratique, que l'on pourra commencer à étendre et finir probablement à un périmètre beaucoup plus large. Il y a une vraie attente de solutions de la part de l'Europe, qu'on ne voit pas venir.
Yves Jégo : C’est un message d'alerte, qui n'est pas surprenant dans le sens où il offre une victoire aux europhobes dans une période de crise où la tentation du repli sur soi-même, sur son identité, sa nationalité, est logiquement plus forte. C'est là un indicateur qui doit nous rendre extrêmement attentifs. Nous avons trop confié l'Europe à des hommes politiques que l'on pourrait qualifier "d'eurosceptiques", dans le sens où ils ont hésité dans la construction européenne en comparaison des pères fondateurs qui les ont précédé. A tel point que les technocrates sont aujourd'hui pratiquement devenu les seuls gestionnaires de l'Union. Il ne faut pas s'étonner dans un tel contexte de voir que les Français n'ont plus confiance en l'Europe... Nous nous trouvons en quelque sorte à la croisée des chemins aujourd'hui : soit ceux qui veulent défaire l'Europe l'emportent, sois nous allons enfin de l'avant pour faire enfin l'Europe. « Faire l’Europe » C'est justement le message que nous porterons le 25 mai !
 
Laurent Baumel : Les Français souhaitent évoquer le fait que l'Europe n'est plus actuellement l'espace de protection qu'il était censé être lorsqu'il a été conçu. S'ils ont intégré le fait que la construction de l'Union a été un moyen de pacifier les relations dans la partie occidentale du continent après deux conflits historiquement violents, ils ont aussi pu se rendre compte qu'elle n'a pu empêcher les guerres qui ont agité le reste du Continent, notamment à l'Est. Par ailleurs, depuis les années 1980 le sujet central de la construction est devenu économique, l'interrogation se portant alors sur la préservation du modèle social européen face à la mondialisation et la concurrence des bas-salaires. Sur ce plan, il faut pourtant reconnaître que cette ambition est aujourd'hui un échec  au regard de notre situation dans la crise.

Quel discours doit-on adopter pour convaincre les électeurs des bénéfices de l'Union aujourd'hui ? Un "droit d'inventaire européen" s'avère-t-il nécessaire pour inverser la tendance ?

Nicolas Dupont-Aignan : On entendra deux types de discours : tout d’abord l’inventaire « apparent » de ceux qui sont responsables de la situation actuelle, autrement dit les cadres de l’UMP, du PS, des Verts et des centristes.Les parfaits représentants de cette espèce en voie de disparition seront d’ailleurs Harlem Désir et Alain Lamassoure qui s’affronteront en Ile-de-France. De l’autre il y aura ceux qui ont prédit les événements depuis le départ et qui ont appelé à une Europe radicalement différente. Cela passera par la demande du démantèlement d’une Union qui est aujourd’hui impossible à sauver pour bâtir la seule Europe qui peut marcher : l’Europe des nations libres, basée sur des projets de coopérations. C’est justement ce que nous tenterons de proposer pendant cette campagne, en défendant des projets communs sur le plan industriel, scientifique et économique.
Mais pour sauver l’Europe, il faudra aussi abandonner l’euro, qui est en train de dynamiter l’Europe (et pas seulement Bruxelles) au lieu d’en être l’élément fédérateur (44 % des Allemands considèrent ainsi que l’euro est mauvais pour eux alors que ce système monétaire les avantage, NDLR). A la place s’instaurerait une nouvelle monnaie commune et flexible (euro-franc, euro-mark, euro-pesos…) qui se coordonnerait selon les différentes nations. Cela permettrait ainsi à la France de renouer avec les avances remboursables de la Banque de France pour financer ses déficits sans que cela coûte des intérêts.
Corinne Lepage : L'Europe ne doit pas être laissée à la classe politique. L'Europe, c'est l'affaire des citoyens européens, pas seulement celle des politiques, et c'est le sens de la démarche citoyenne. Le deuxième message extrêmement fort, c'est ce qu'on attend de l'Europe. On n'attend pas seulement d'elle qu'elle organise un grand marché. On attend de l'Europe qu'elle soit la construction d'un projet politique adapté au XXIème siècle. Un projet qui donne à nos concitoyens – et je pense notamment aux jeunes –  l'envie de se lancer, l'envie de construire, l'envie d'innover, l'envie d'entreprendre. Qu'ils n'aient pas le sentiment que c'est seulement en allant aux Etats-Unis qu'ils peuvent le faire. C'est ça, ce que l'Europe doit créer ! Une envie, une fierté d'être Européen. Ça n'existe pas aujourd'hui. Et ça, c'est l'affaire des citoyens, pas des politiques.
Remettre en cause l'euro ? Certainement pas. Le remède serait pire que le mal. Que l'euro ne soit pas parfait, certainement. Pour autant, imaginez un instant ce que, pour nous Français, signifierait l'abandon de l'euro. En termes de dette publique… Elle serait démultipliée. En termes de coût de nos exportations – je pense notamment à l'énergie – ce serait un appauvrissement du patrimoine collectif des Français. Ceci étant, nous avons besoin d'une autre politique monétaire. Il faut, effectivement, une gestion politique de la monnaie que nous n'avons pas aujourd'hui. Nous n'avons qu'une gestion technique, voulue par l'Allemagne. Nous avons besoin des eurobonds et nous avons besoin d'une politique monétaire qui favorise la croissance économique. Pas qui conduise à la déflation.
Yves Jégo : Je doute des effets bénéfiques que pourrait avoir la flagellation sur les erreurs du passé. Il est à mon avis préférable de démontrer avec des exemples simples que l'Europe est une solution, pas un problème. Dans la même Europe que nous, avec la même monnaie que nous, l'Allemagne parviens à tirer son épingle du jeu économique en ayant fait les efforts que l'on sait. S'il est vrai que près de la moitié des allemands sont aujourd'hui sceptiques vis-à-vis de l'euro, c'est en réalité parce qu'ils se lassent de plus en plus à l'idée de payer pour les pays qui n'ont pas fait les réformes nécessaires. Les problèmes que nous rencontrons aujourd'hui ne sont pas européens, ils sont clairement Français. 
 
Laurent Baumel : Je pense qu'un droit d'inventaire est effectivement nécessaire. Les autorités françaises ont selon moi tout intérêt a afficher dans les conseils et sommets européens une posture volontariste en ce sens. Cela permettrait notamment de montrer que la France n'est pas seulement un mauvais élève angoissé à l'idée du prochain examen de ses déficits mais toujours une puissance influente capable de modifier les règles du jeu dans l'intérêt de tous.
Cela peut passer notamment par une réflexion sur notre politique monétaire, même si beaucoup considèrent encore qu'elle n'a pas à être plus que ce qu'elle n'est déjà actuellement. Je pense à l'inverse que des leviers existent afin de faire baisser nos taux d'intérêts de la Banque centrale vers le négatif, particulièrement dans une période de quasi-déflation. Par ailleurs un compromis sur une monétisation des dettes souveraines au niveau européen ne me semblerait pas choquante étant donné la configuration qui est la nôtre. En ce qui concerne les réformes des statuts de la BCE, vieux serpent de mer des politiques français, on peut là encore considérer que l'envisager ne serait pas stupide alors que sa lutte initiale contre une inflation aujourd'hui inexistante semble désormais superflue.

Ce désamour de l'Europe touche surtout les plus jeunes, 22 % des Français de plus de 65 ans étant favorable à la sortie de l'euro contre 38 % dans leur ensemble. Que faire face à cette rupture générationnelle ?

Yves Jégo : Notre devoir est de montrer que l'Europe représente les nouvelles frontières de notre souveraineté. Il faut constater qu'une partie la jeunesse fait l'Europe avec ses pieds, lorsqu'elle voyage, lorsqu'elle part travailler en Angleterre, en Allemagne, et ailleurs. S'il est vrai qu'une partie de cette jeunesse est aujourd'hui sceptique face aux institutions européennes, elle se trouve déjà de fait actrice d'une internationalisation dans laquelle elle continue de croire. Il est nécessaire par ailleurs de proposer de nouvelles politiques européennes pour la jeunesse, ce que feront l'UDI et le Modem en portant l’idée d’un contrat d'apprentissage européen. Cela permettra de n'importe quel apprenti européen de rejoindre une entreprise où qu'elle soit grâce à un contrat unique valide dans tous les états-membres.  
 
Laurent Baumel : Il s'agit d'un changement politique majeur quand on sait que les décennies précédentes ont été plutôt marquées par une jeunesse europhile. Les nouvelles générations ressentent au quotidien et de manière particulièrement intense la dureté des évolutions économiques, et elles constatent bien que leur demande de protection n'est pas écoutée par Bruxelles aujourd'hui.
Nicolas Dupont-Aignan : Les jeunes sont eurosceptiques car ils sont aujourd’hui sur le front de la mondialisation alors qu’ils doivent entrer sur le marché du travail dans un contexte clairement défavorable : libre-échange déloyal, euro cher, manque de débouchés. Il est en conséquence nécessaire de repasser par une Europe des peuples libres de leur destin, capables de partager des projets intergouvernementaux sur des bases raisonnables (coopération de trois à quatre pays). Cela pourra se faire sur des enjeux aussi divers que la lutte contre le cancer, les autoroutes numériques, l’exploitation des océans, les nanotechnologies. Cela serait un moyen de restaurer l’espoir européen, mais aussi plus concrètement une opportunité à saisir en termes de créations d’emplois. Nous souhaitons ainsi éviter « l’euro-ronchonisme » classique qui ne propose rien, et qui donne du grain à moudre aux euro-béats, pour entrer dans une logique positive et constructive. Plus on attendra pour prendre ce virage, plus nous souffrirons de notre état économique, social et politique.
Corinne Lepage : La faille générationnelle se traduit sur l'euro comme elle se traduit sur tout le reste. Nous sommes un pays dont le modèle social a été conçu sur les seniors. Il est primordial aujourd'hui de construire un modèle social à partir des juniors. Et notamment des juniores, des femmes. Dans la campagne des Européennes, je ferai des propositions à cet égard. Si nous voulons que notre jeunesse ait envie de se donner pleinement, que les failles générationnelles n'arrivent pas à un niveau tel que celui qui se profile (une guerre de génération pour payer les retraites…), il faut aujourd'hui que nous ayons dans le viseur le jeune, la jeune femme, et non pas le senior retraité qui a été la construction de notre modèle social.

L'abstention à ce scrutin est passée de 40 à 60 % en une trentaine d'années. Le premier risque n'est-il pas finalement que le Parlement européen soit perçu comme superflu ? Quelles améliorations pour la machine démocratique du Vieux Continent ?

Corinne Lepage : En ne considérant pas qu'on envoie au Parlement européen les éléments les moins intéressants de la classe politique. C'est une honte. Je trouve ça scandaleux. C'est une manière méprisante de traiter les citoyens, et de traiter les institutions européennes avec plus de dédain encore. Pour avoir passé cinq ans au Parlement européen, je suis affligée de la place que nous Français y occupons. Un  certain nombre de nos députés sont d'excellents députés. De quelque bord politique qu'ils soient, ça n'est pas la question. Je pourrais vous citer monsieur Lamasourre (UMP), monsieur Cohn-Bendit (EE)  ou madame Berès (PS). Ce sont des gens qui ont fait très bien leur travail. D'autres ne foutent pas les pieds au Parlement, jouent avec astuce pour donner le sentiment qu'ils travaillent, et ne font rien. Ils ne travaillent pas en commission, ils n'influent pas sur les amendements qui sont votés, ils n'influent pas sur les textes. Et ça va continuer tant qu'on continuera à envoyer ce genre de députés.
Il faudrait expliquer aux Français ce qu'est l'Europe. L'Europe, c'est loin. C'est perçu comme lointain, et comme quelque chose qui casse les pieds de tout le monde. Je parle crûment, mais c'est ça. Or les sujets dont on débat sont des sujets de vie quotidienne. Quand on parle des vaccins, des OGM, de la monnaie, de l'énergie, on parle de la vie quotidienne des gens. Mais qui, en France, sait que l'on parle de ça ? Personne. Il n'y a aucun média qui informe les Français sur ce qu'est notre action au Parlement européen, à la Commission ou au Conseil comme on les informe sur ce qui est voté au Parlement français. Alors même que dans certains domaines, le droit européen constitue 80% du droit français. Les débats que l'on mène à Bruxelles et à Strasbourg sont bien souvent plus importants que ceux du Parlement français, qui concernent régulièrement la mise en application de ce que nous avons décidé à Bruxelles. Il y a un problème de pédagogie, de média – il faudrait une chaîne française dédiée au débat européen, c'est en tout cas une proposition que je ferai, avec une participation citoyenne à ces débats. On a bien France Ô, il faudrait une "France E". De manière à ce que les gens sachent ce qui se passe, et puissent intervenir en amont des débats. Les citoyens pourraient râler avant et faire peser leur voix, plutôt que de râler après, une fois que tout a été décidé. A chaque fois qu'une mauvaise décision tombe, on dit que c'est la faute de Bruxelles. Pourquoi voulez-vous qu'ils aiment l'Europe ?
Nicolas Dupont-Aignan : La machine démocratique de l’Europe repose sur le respect des peuples et cela doit se faire en redonnant du pouvoir au national sur le transnational, notamment à travers un transfert de 80 % des compétences actuelles de Bruxelles aux Etats. Cela inclue la monnaie, le contrôle des frontières, le droit, et le budget : autrement dit, des prérogatives qui, si elles sont bien réparties, feraient de l’Europe une véritable démocratie. Le reste des solutions proposées pour relancer l’Europe politique n’est que de la littérature et de l’agitation.
Yves Jégo : L'Europe doit effectivement être plus démocratique, les Français ayant souvent l'impression de ne pas savoir qui est aux commandes. Cela peut passer par des réformes simples, par exemple en instaurant une  fusion des postes du président de la Commission et du président du Conseil avec une élection au suffrage universel a terme. Cette élection pouvant se faire, dans un premier temps, par les parlementaires des états respectifs. Un président de l’Europe élu au suffrage universel voilà qui donnerait une incarnation puissante à l’Europe en particulier dans les cas de crises comme celles que traverse l'Ukraine actuellement. Nous plaidons aussi pour l’élection des député européens a l’échelon des 28 pays et non plus dans chaque pays ce qui ramène trop le débat des européennes aux questions nationales et zap l’enjeu européen du scrutin.
 
Laurent Baumel : Je crois qu'objectivement le Parlement a aujourd'hui un important pouvoir, a quoi l'on peut rajouter que le régime européen est plus parlementaire que le régime français. Le problème n'est donc pas tant la mécanique institutionnelle, qui échappe largement aux Français, mais davantage le projet qui est porté par les décideurs de cette mécanique, qui ont tourné le dos aux aspirations sociales de plus en plus de citoyens. Le vrai enjeu se trouve d'après moi dans la construction d'alliances politiques, tant au niveau intergouvernemental que transnational, pour infléchir la direction de l'Union. Cela faisait partie du projet initial de François Hollande, mais l'on peut dire que ce même projet est devenu bien plus modeste, voire contrit, aujourd'hui face aux requêtes de Berlin et Bruxelles.

Le premier clivage politique de ces élections semble être devenu celui entre européistes et eurosceptiques, au détriment de l'échange d'idées entre droites et gauches. Comment recentrer le débat sur les moyens de faire avancer l'Europe plutôt que d'en sortir ?

Yves Jégo : Cette élection sera  en quelque sorte un référendum pour ou contre l’Europe. On peut d’ailleurs séparer les offres politiques cohérentes de celles qui ne le sont pas. L'UMP et le PS sont aujourd'hui traversés par des courants contradictoires sur la question européenne : d'un côté on trouve Harlem Désir cohabitant avec Arnaud Montebourg, de l'autre Henri Guaino et Alain Lamassoure. Les offres politiques "cohérentes", dans le sens où leurs messages est univoque, sont celle du Front National clairement europhobe qui veut sortir de l’Europe et revenir au franc et celle que nous, les centristes, allons défendre en tant qu'européen convaincus. Le débat du 25 mai se fera essentiellement entre eux et nous. Entre ceux qui veulent défaire l’Europe et nous qui voulons la faire enfin et vraiment.
 
Nicolas Dupont-Aignan : Le clivage droite-gauche n’a plus aucun sens, et Philippe Séguin l'avait encore une fois bien deviné lorsqu’il parlait des « des deux détaillants qui se fournissent au même grossiste » bruxellois. Il est évident que le choix des Français se répartira concrètement en quatre formations européistes et trois partis (FN, Front de Gauche, NDLR) qui veulent mettre un terme à l’Union européenne telle qu’elle existe actuellement. Dans ce contexte, le rôle de Debout la République sera de prouver aux électeurs que notre offre est la plus rationnelle et la plus constructive pour l’avenir de notre pays, plutôt que de se cantonner aux offres irréalistes du Front National et de l’extrême-gauche. Ce que l’on pourrait nommer les « euro-réalistes » ont traditionnellement un gros défaut : celui de se cantonner à la critique plutôt que de proposer. Cela n’a plus tellement son utilité puisque la bataille des idées est aujourd’hui gagnée, l’enquête que vous citez le montre bien, tout l’enjeu se situant aujourd’hui sur la marche à suivre. La recherche d’une perspective intelligente sera à ce titre notre principal objectif. 
Corinne Lepage : On peut être à la fois européiste et eurosceptique. Je suis une européenne convaincue, mais une grande critique des dysfonctionnements du Parlement européen. Je crois que ce qui est fondamental, c'est de parler des solutions. Aussi bien à court qu'à long terme. Certains proposent des plans sur la comète, mais puisqu'ils impliquent une modification des traités, on sait d'ores et déjà qu'ils ne seront pas pour demain matin. Et les citoyens continueront d'être déçus, et de se dire "comment, comment ? Aux élections vous nous avez promis le président de l'Europe au suffrage universel, et vous ne l'avez pas fait !", par exemple. Et pourquoi on ne l'aurait pas fait ? Parce que ça sous-entend une modification des traités. Et ça ne vient pas tout seul.
Laurent Baumel : Je n'ai pas l'impression que ce débat-là soit central même si la présence du Front National dans les élections lui offrira de fait une certaine place. L'enjeu prioritaire reste l'orientation de la construction européenne, avec des droites dont les positions ont tendance à se raccorder. Face à cela les gauches se retrouvent hésitantes à affronter le vent contraire des logiques austéritaires en matière de politique économique. Il faut justement se souvenir que l'Europe telle qu'elle a été dessinée dans les années 1980 n'avait pas pour but de transposer la mondialisation libérale, mais bien de la domestiquer. Plus de vingt ans après Maastricht, il reste à savoir s'il est trop tard pour inverser ce cours, la question se posant particulièrement au pouvoir de gauche en France.

Dette… de confiance

Dette… de confiance


Il se dit que, dès l'annonce de sa nomination au poste élargi de ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg avait voulu investir le 6 e étage de Bercy, réputé être la passerelle de commandement. Futile, sans doute, mais révélateur, sûrement. Surtout que s'y est ajouté son « forcing » pour arracher à Laurent Fabius le Développement international qui a finalement été dévolu au Quai d'Orsay. Premier « couac » d'un gouvernement de professionnels supposés, qui a entraîné le report malencontreux de la passation de pouvoir entre la ministre du Commerce extérieur, Nicolas Bricq, et son incertain successeur.
Il apparaît déjà qu'Arnaud Montebourg aura du mal à se fondre dans le collectif et peut-être même dans son tandem inédit avec Michel Sapin, ministre des Finances. On voudrait que cela ne soit qu'anecdotique mais, au moment où Bruxelles va observer nos comptes à la loupe, mieux vaudrait que les « deux têtes » de Bercy affichent complémentarité et solidarité dans les actes.
Alors que se dessine une inéluctable demande de la France à la Commission européenne pour obtenir un nouveau ralentissement du rythme de réduction de nos déficits, il serait contre-productif de présenter l'Europe en repoussoir austéritaire. Car, si notre dette reste abyssale, ce n'est pas de la faute de Bruxelles mais de notre laxisme budgétaire. Pour Arnaud Montebourg, il ne s'agit pas que « l'Europe nous réoriente mais que nous réorientons l'Europe ». Sommes-nous vraiment en situation de l'imposer à des voisins qui ont fait plus d'efforts que nous ?
De fait, avec l'imminence de la présentation du pacte de stabilité (et de solidarité) et le programme de 50 milliards de réduction des dépenses publiques, le pouvoir a l'impérieux besoin d'un ballon d'oxygène. Espérons que les charges d'Arnaud Montebourg contre les « eurocrates » ne compromettront pas les appels à la compréhension de Michel Sapin, chargé de plaider notre cause à Bruxelles. Cela ne ferait qu'accroître, auprès de l'Union, notre dette… de confiance.

François Hollande le président malin, trop malin...

Dosages subtils, compromis en clair-obscur, manoeuvres obliques : le chef de l'État continue à appliquer la même méthode que naguère au PS. 
François Hollande, personnage plutôt sympathique et convivial, a raté sa vocation : il aurait fait un excellent barman. La composition du nouveau (?) gouvernement en témoigne. Une pinte de Valls socialo-libéral ; deux cuillerées de Montebourg-Hamon pour la potion de gauche amère ; une louche de Ségolène pour le pétillant fuchsia ; un doigt de Sapin pour le sérieux ; deux gouttes de Fabius-Le Drian pour la stabilité du breuvage ; une larme de Taubira pour l'inattendu. On secoue le shaker et on sert bien glacé. Le cocktail est subtil. Sera-t-il apprécié par les Français et par nos voisins européens ? On peut légitimement en douter.
La motion de synthèse sortie des chaudrons de l'Élysée après quarante-huit heures d'intenses cogitations rappelle furieusement celles des congrès socialistes d'antan. Avec un souci : ne laisser personne à l'extérieur. Nostalgie, nostalgie ! À défaut de rassembler les Français, on rassemble les socialistes.
Reste à faire cohabiter tout ce petit monde. Les augures gouvernementaux nous affirment qu'il y aura désormais une méthodologie infaillible, une cohésion sans faille et une discipline d'airain. Fini, les couacs, les déclarations contradictoires, les volte-face qui avaient fait le charme de l'ère Ayrault. Un bloc. Sous la schlague de l'adjudant Valls, le gouvernement va donc marcher au pas cadencé tel un détachement de l'armée prussienne sous Frédéric II.

Le supplice de Bruxelles

Mais vers quelle destination ? La première étape, Bruxelles, risque d'être périlleuse."S'il vous plaît, encore une minute, monsieur le bourreau !" quémandera-t-on côté français. Mais comment expliquer à ces idéologues bornés de la Commission, à ces croisés de l'austérité que la France, incapable de remplir ses engagements, réclame un nouveau délai pour marcher dans les clous des 3 % de déficit ? Comment faire comprendre à ces ayatollahs de la bonne gouvernance qu'après avoir bénéficié d'une rallonge de deux ans pour se mettre en règle notre beau pays souhaite encore dépenser à tout-va et s'affranchir des règles qu'il a délibérément acceptées ?
L'exercice est compliqué. Nos partenaires allemands nous attendent aussi au tournant. "La France sait ce qu'elle a à faire", a déclaré, énigmatique, Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral des Finances. Pour assouplir nos voisins allemands, on pourrait, bien sûr, leur expédier Arnaud Montebourg qui a eu la délicatesse de comparer Angela Merkel à Bismarck. Une goujaterie doublée d'une sottise historique. Quoi de commun entre le chancelier de fer et Angela ? Le premier se targuait d'une vision impériale, la seconde se définit elle même comme une honnête ménagère souabe qui veille à la prospérité de sa famille. Plutôt que Montebourg, on dépêchera donc sans doute le placide Michel Sapin, mais sa tâche sera indubitablement ardue.
Lors de sa première intervention à la télévision, Manuel Valls a réitéré son intention de faire des économies. Il faut d'urgence trouver 50 milliards. Mais pas sur l'Éducation nationale , pas sur les dépenses sociales, pas sur la santé, pas sur la sécurité. Mais où, alors ? On peut évidemment servir des McDo au lieu du foie gras à la table de Matignon ou virer un jardinier. Doutons que cela suffise...

Valls privé d'état de grâce pour ses débuts à Matignon


Quatre Français sur dix seulement font confiance au Premier ministre.
Sa cote dépasse toutefois de 19 points celle d'Ayrault le mois dernier.

Le choc n'a pas eu lieu. François Hollande a promis une « nouvelle étape » et a mis fin au bail de Jean-Marc Ayrault. Manuel Valls a été nommé à la tête d'un gouvernement de« combat » et a dit avoir bien pris conscience de la demande de « justice sociale ». Mais sans effet dans l'opinion pour l'instant. Selon le baromètre CSA pour « Les Echos » et Radio Classique, le chef de l'Etat reste englué dans l'impopularité, avec une cote de confiance de 25 %, stable sur un mois tandis que les mauvaises opinions progressent de 1 point à 72 %. Quant au Premier ministre, il démarre avec un solde négatif : 41 % des Français - contre 47 % - lui font « confiance » pour « résoudre les problèmes ».
A peine en fonction, Manuel Valls est déjà dans le rouge. « Il est sous pression. Il n'y a pas d'état de grâce », relève Bernard Sananès, le président de CSA, rappelant qu' « il paye l'impopularité de François Hollande et les débuts du quinquennat ». Il permet certes au président de disposer d'un Premier ministre un peu moins affaibli que ne l'était Jean-Marc Ayrault (22 %) après vingt-deux mois d'usure. Mais il est à un niveau plus bas que celui qu'il avait le mois dernier place Beauvau (il s'agissait d'une cote de popularité, non de confiance), alors qu'il était à la baisse : à 45 % de bonnes opinions, il avait perdu 13 points depuis novembre. Manuel Valls n'a que 5 points de plus que Dominique de Villepin en 2005, lorsqu'il était devenu Premier ministre d'un Jacques Chirac en fin de règne. Jean-Pierre Raffarin était à 54 % en 2002, François Fillon à 50 % en 2007 et Jean-Marc Ayrault à 56 % en 2012, mais eux s'étaient installés dans la foulée d'une victoire présidentielle.

Un « espoir » pour l'électorat de gauche

Le nouveau locataire de Matignon n'atteint la barre des 50 % d'opinions favorables que chez les plus de 65 ans et les cadres et professions libérales. A peine 35 % des employés et 43 % des ouvriers disent avoir confiance en lui. Manuel Valls peut toutefois trouver dans ce sondage, effectué mardi et mercredi, soit le lendemain de sa nomination et le jour de l'annonce du gouvernement, un motif de satisfaction. S'il ne dépasse pas 31 % parmi les sympathisants UMP et 20 % chez ceux du FN, il réalise de bons scores auprès des sympathisants de gauche et plus encore du PS. Sa cote est de 63 % chez les premiers et de 74 % chez les seconds.
« Après la débâcle des municipales, Manuel Valls est un espoir. L'électorat de gauche a envie d'y croire », analyse Bernard Sananès, y voyant un élément « susceptible de faire réfléchir » les députés socialistes qui grognent contre son entrée à Matignon. En mai 2012, Jean-Marc Ayrault recueillait 81 % d'opinions favorables à gauche et 85 % chez les sympathisants PS. En partant, il n'était plus qu'à 46 % et 54 %.
Il sera intéressant de voir si la cote de Manuel Valls va désormais se rapprocher de celle de François Hollande. Ou s'il va tirer le chef de l'Etat vers le haut. Jean-Marc Ayrault, lui, avait toujours été très proche du chef de l'Etat. Il faudra également surveiller de près la popularité du « pack » gouvernemental. Ce mois-ci, tous les ministres testés gagnent du terrain. Laurent Fabius progresse de 8 points à 48 %. Ségolène Royal profite de son retour aux affaires : + 8, à 46 %. Elle s'installe notamment, avec 70 % de bonnes opinions, comme le ministre le plus populaire à gauche.
Pierre-Alain Furbury